Invités du 15e Congrès de la médecine générale, qui vient de se tenir à Paris, quatre syndicats représentatifs des praticiens libéraux (Généralistes-CSMF, FMF, SML et MG France) et l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) ont tenté de dessiner la rémunération du futur, alors que la négociation de la nouvelle convention doit démarrer à partir de septembre (pour aboutir au printemps 2023). Quel est le mode de rémunération le plus pertinent pour répondre aux enjeux de santé publique ? Faut-il accroître la part de forfaits, sanctuariser au contraire le paiement à l'acte, privilégier les systèmes combinés ?
Effets pervers, nomenclature complexe
Aujourd'hui, même si les lignes ont bougé depuis 10 ans, l'acte reste prédominant dans la rémunération en médecine de ville (87 % versus 13 % de forfaits dont la rémunération sur objectifs de santé publique – ROSP).
Le SML, « très attaché à l'esprit libéral » de l'exercice et hostile à toute expansion forfaitaire, « a fixé une barre de 80 % de paiement à l'acte et de 20 % de forfaits », précise son président, le Dr Philippe Vermesch, qui juge « l'acte motivant » en termes de rémunération et source de productivité. Quant aux « forfaits qualité » via la ROSP, « je suis persuadé qu'on perd de l'argent si on ne vérifie pas les calculs de la Cnam », avance le stomatologue. La FMF est ouvertement favorable à la suppression de la ROSP dans sa forme actuelle dont elle dénonce la complexité et les biais. « Il y a beaucoup trop d'indicateurs, il faut les revoir et simplifier », recadre la Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF.
Majorations, coefficients, dérogations, actes techniques : à la tête des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel déplore la complexification croissante de la cotation des actes en médecine générale ces dernières années. « Moins de 5 % des généralistes libéraux appliquent vraiment la nomenclature, peste-t-il. S'ils cotaient bien, ils auraient parfois 20 % de rémunération supplémentaire sans travailler plus ». Le généraliste mayennais défend des modes de rémunération lisibles qui favorisent et valorisent « l’accès aux soins et la qualité des soins ». « Est-ce qu’on peut rémunérer la qualité uniquement au travers de l’acte ? C’est compliqué, concède-t-il. C'est pourquoi la Sécu essaie, à travers des forfaits, d'entraîner vers la qualité. »
Inadapté à la prévention
Le patron de MG France reconnaît de son côté les atouts… et les limites du paiement quasi exclusif à l'acte dont il ne nie pas le caractère inflationniste et inadapté à certaines prises en charge ou suivi. « L'acte garantit à la population d'être vue rapidement et incite à la productivité. Mais le risque est la multiplication », constate le Dr Jacques Battistoni, qui mentionne le renouvellement d'ordonnances. « Si je demande aux patients de revenir plus souvent, cela rapporte plus, résume le généraliste normand. Surtout, l'acte ne tient pas compte de la prise en charge des patients chroniques et du temps de coordination avec les paramédicaux. La santé publique et la prévention ne sont pas financées, cela explique en partie que la prévention n'est pas bien faite ».
Dans ce contexte, pour le patron de MG France, la rémunération de demain devra intégrer davantage la « complexité » de la prise en charge des patients chroniques, la « coordination » avec les autres professionnels de santé, le financement des outils numériques et la prévention/santé publique. « Mais à ce stade, nous n'avons pas d'opinion arrêtée sur la répartition précise entre l'acte et les forfaits, souligne-t-il. L'idée n'est pas de tout mettre dans le même sac. »
Capitation et approche populationnelle
Représentant des praticiens salariés en centres de santé, le Dr Frédéric Villebrun (USMCS), constate l'existence d'« une course à l’acte que de nombreux médecins refusent aujourd'hui », d'où l'attrait croissant pour le salariat chez les jeunes médecins. Et de mettre les pieds dans le plat. « Il faut au moins se poser la question de ce que souhaitent les généralistes en France, avance-t-il. Continuer sur la voie principale de la tarification à l'activité ? Ou passer à une rémunération en fonction de la patientèle ? Avancer vers une prise en charge populationnelle ? Dans cette optique, on a besoin d'autres formes de rémunération que le paiement à l’acte. »
« Non, tous les médecins ne veulent pas être salariés ! », clame la CSMF
Dans ce contexte du débat sur l'avenir de la rémunération des médecins libéraux, c'est une petite phrase qui a fait bondir la CSMF. Lors de son déplacement à Pau la semaine dernière, Emmanuel Macron, en campagne pour sa réélection, a estimé que « les jeunes médecins voulaient du salariat ». Mais pour la Conf', il convient de « tempérer les ardeurs du Président candidat ». « Non Monsieur Macron, tous les médecins ne veulent pas être salariés de l’État. S’il y en a quelques-uns, ceux-là ne font pas partie de la médecine libérale, plaide ce mardi le Dr Franck Devulder, nouveau président de la centrale confédérale. Non Monsieur Macron, le forfait n’est pas l’avenir de la médecine libérale. La CSMF se battra toujours pour une rémunération majoritairement réalisée à l’acte. Ce sont les hauts fonctionnaires des ministères de Bercy et de Ségur qui prônent le forfait tous azimuts pour mieux contrôler les budgets santé. »
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