Cabinets médicaux désertés lors du premier confinement, activités déprogrammées, chute des actes de dépistage mais aussi impact de la pandémie sur certaines prescriptions (plus de psychotropes, moins d'antibiotiques) : en 2020, la crise sanitaire a « percuté » l’évolution de nombreux indicateurs de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), « sans que cela résulte directement d'un changement des pratiques des médecins », souligne la CNAM dans son bilan que détaille « Le Quotidien ». Des mesures de compensation ont permis de sauver les rémunérations des médecins libéraux, mais sans plus. Bilan.
5 091 euros par généraliste, en hausse de 1,39 %
Pour les seuls médecins généralistes (hors MEP), la ROSP du médecin traitant de l’adulte représente 258,3 millions d’euros pour 50 733 médecins payés, soit un montant moyen de 5 091 euros par médecin. C'est à peine 70 euros de mieux qu'en 2019 (+1,39 %). Cette prime sera versée en fin de semaine, le 24 avril, nous précise la CNAM.
À cette même date, les 4 412 cardiologues rémunérés percevront de leur côté une prime moyenne de 2 093 euros et les 2 006 gastro-entérologues un bonus de 1 423 euros (tous deux très proches du résultat 2019). Les endocrinologues hériteront d'une ROSP de 1 264 euros (une centaine d'euros en plus qu'en 2019), versée à la fin du mois de mai.
La ROSP 2020 des médecins traitants de l’enfant représente 11,6 millions d’euros, soit un montant moyen de 221 euros, là aussi très similaire à l'exercice précédent. Ce montant sera distribué « vers le 27 avril », assure la caisse.
Enfin, les centres de santé toucheront un forfait moyen de 7 578 euros (contre 7 774 euros l'année précédente).
Les rémunérations principales de la ROSP clinique 2020 (MT adulte, cardiologue et gastroentérologue – hors centres de santé et ROSP pédiatrique) représentent une enveloppe globale de 279,5 millions d’euros pour 72 098 médecins rémunérés (contre 275,9 millions l'année précédente).
Effet crise à tous les étages, souvent négatif, parfois favorable
Si ces rémunérations sont très stables, grâce aux mécanismes compensatoires instaurés (lire ci-après), certains indicateurs cliniques sont en très nette baisse, preuve de « l'impact significatif » de la crise sanitaire (voir tableau détaillé de la ROSP clinique en fin d'article).
Sans surprise, les items les moins bien orientés sont ceux relatifs à des dosages biologiques ou à des actes de dépistage. C’est le cas pour la part des patients diabétiques ayant bénéficié d'au moins deux dosages d’HbA1c dans l’année (-2,8 points), la part des patients diabétiques ayant bénéficié d’un fond d’œil (-1,2 point) et le dépistage de la maladie rénale chronique chez le patient diabétique (-0,9 point). Le suivi des patients sous AVK est également en baisse (-3,6 points).
La même évolution négative s'observe pour tous les indicateurs de dépistage des cancers. Celui du sein est en chute de trois points, celui du cancer du col de l'utérus baisse de 1,6 point et celui du cancer colorectal se replie de 0,4 point (avec un effondrement pendant le premier confinement mais un rattrapage ensuite).
Toujours en lien avec les effets de la crise, les indicateurs relatifs à la durée de certains traitements ont augmenté… alors que l’évolution attendue doit être à la baisse. C’est le cas des benzodiazépines hypnotiques (+1,9 point) et des anxiolytiques (+0,7 point). Des effets qui ont été bien documentés dans divers travaux scientifiques.
À l’inverse, la crise sanitaire s’est parfois traduite par une « bonne orientation » de certains paramètres. C'est le cas du taux de vaccination antigrippale des 65 ans et plus (+7,7 points), de même que celui des patients à risque (+6 points). Effet bénéfique aussi : la part des traitements par antibiotiques chez les patients de 16 à 65 ans et hors ALD s'est effondrée de 8,6 points, « en lien avec la forte baisse d’activité constatée lors du premier confinement », constate la CNAM, mais aussi grâce aux gestes barrières qui ont réduit la diffusion des épidémies et pathologies hivernales.
Deux mécanismes pour neutraliser !
Pour éviter que ces évolutions atypiques, « déconnectées des pratiques des médecins », n’aient un impact direct sur les rémunérations versées, la CNAM a décidé en mars dernier d'appliquer « des ajustements limités », en concertation avec les syndicats de médecins libéraux. Objectif, corriger les effets de la crise.
Des coefficients de majoration ont ainsi été appliqués à la rémunération du médecin traitant de l’adulte et du médecin traitant de l’enfant – respectivement de +2 % et +3 %, afin de conserver « l’effet de l’augmentation de la patientèle médecin traitant ».
Très pénalisés initialement, les gastro-entérologues et les cardiologues ont bénéficié de leur coté d'une clause de sauvegarde exceptionnelle. Celle-ci leur assure le maintien de leur rémunération en 2020 par rapport à l'exercice antérieur.
Dans les deux cas, ces corrections sont « simples et lisibles » et n’engagent pas l’avenir du dispositif, confie le directeur général de l'Assurance-maladie Thomas Fatôme au « Quotidien ». Certains syndicats avaient réclamé l'application de la clause de sauvegarde mais aussi la neutralisation de tous les « mauvais indicateurs », ce qui aurait abouti à des montants supérieurs…
Indicateurs cliniques pour les médecins traitants libéraux (Source : CNAM)
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