Au fil des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) successifs, des parlementaires, toujours plus nombreux, ont voulu imposer la régulation à l'installation, par le biais notamment du conventionnement sélectif. Toujours en vain, quelle que soit la majorité, mais cette année, l'offensive des députés est encore plus virulente, face à l'extension inexorable des déserts médicaux.
Pour résoudre les difficultés d'accès aux soins, priorité d'Emmanuel Macron, le PLFSS 2023 donne, en effet, la possibilité à l'Assurance-maladie et aux syndicats de médecins libéraux via l'article 22 (aliénas 3 à 5) de définir, dans le cadre des prochaines discussions conventionnelles, « les conditions à remplir par les professionnels de santé pour être conventionnés, relatives à leur formation et expérience ainsi qu’aux zones d'exercice définies par l'ARS ». « Le gouvernement ouvre la porte au conventionnement sélectif, a vivement réagi le député Horizons Thomas Mesnier, lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales mardi soir. Or cela ne marche pas car les médecins continueront à s'installer là où ils le veulent et les inégalités d'accès aux soins vont continuer de croître ».
Pour contourner cette mesure, l'ancien rapporteur du PLFSS avait déposé une « contre-proposition » sous la forme d'un nouveau régime d'autorisation d'installation pour les médecins de ville. « Cette autorisation serait donnée automatiquement dans les zones sous-dotées », s'est défendu l'urgentiste. Et ailleurs, le conventionnement serait « conditionné, d’une part au remplacement d’un médecin mettant fin à son activité » et, d’autre part « à une participation du médecin à un exercice secondaire et ponctuel en zone sous dense ». « Je prône un autre modèle de régulation qui ne fait pas payer les patients et qui est efficace » a-t-il ajouté lors des débats en commission. Mais les arguments de l'urgentiste n'ont pas convaincu la rapporteure générale, Stéphanie Rist qui a préféré « renvoyer cette discussion à la négociation conventionnelle ». L'amendement Mesnier n'a pas été adopté.
Effets pervers
Puis ce mercredi matin, une pluie d'amendements visant à imposer la coercition s'est de nouveau abattue après l'article 24. En tête de la fronde, on trouve l'infatigable député Nupes de la Mayenne, Guillaume Garot, qui avait créé en juillet un groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux. L'objectif des amendements est également d'imposer un conventionnement sélectif (une installation conventionnée contre un départ de médecin), à l'instar de ce qui se fait déjà pour plusieurs autres professionnels de santé dont les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes. « Si on veut soutenir une offre de soins harmonieuse, rationnelle sur le plan local il faut arriver à cette régulation à l'installation de l'ensemble des médecins généralistes comme spécialistes », a-t-il défendu. Or cette solution n'a pas eu le soutien du groupe LR. Élu des Hauts-de-Seine, Philippe Juvin a rappelé « qu'il n'y a pas de zones surdotées en France ». « Cela aura des effets pervers, les solutions sont ailleurs » a-t-il estimé citant la hausse du numerus clausus.
Même son de cloche du député du Rhône, Cyrille Isaac-Sibille (Mouvement démocrate). « Sur ce sujet nous avons tous fait des erreurs, a martelé cet ORL. N'aggravons pas la situation. Aujourd'hui 7 % des jeunes médecins ne s'installent pas en médecine générale et la seule solution est de rendre attractive la médecine libérale en imaginant un nouveau statut par exemple ». Pour Éric Alauzet, député du Doubs (Territoire de progrès), le conventionnement sélectif risque d'entraîner « un effet dévastateur ». « Vous stigmatisez les jeunes médecins avec cette mesure, je ne suis pas d'accord » a déclaré le généraliste acupuncteur. Au final, les neuf amendements visant à réguler l'installation ont été repoussés par la commission des affaires sociales.
IPA, consultations avancées, certificat de décès
En revanche, lors de cette discussion, les députés de la commission ont donné le feu vert à plusieurs propositions visant à permettre d'augmenter le temps médical. De fait, un amendement porté par le même Guillaume Garot et co-signé par dix députés appartenant à cinq groupes politiques différents, a été adopté. Il vise à expérimenter pendant trois ans des consultations avancées dans les zones sous denses par des médecins - généralistes comme spécialistes- installés « dans des zones où le niveau de l’offre de soins est satisfaisant, voire élevé ». L'Ordre serait chargé d'organiser ces consultations. Dans ce cadre, les médecins qui consacreraient « une partie de leur temps » pour effectuer ces rendez-vous en dehors de leur cabinet habituel toucheraient, en complément de la rémunération à l’activité, un forfait financé par le fonds d’intervention régional pour couvrir leurs frais.
Un autre amendement porté par Cyrille Isaac-Sibille ouvre la porte à l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) « afin de leur permettre de prodiguer des soins primaires sans prescription médicale sur des pathologies bénignes qui ne nécessitent pas un passage par les services d’urgences ». Selon l'exposé des motifs de l'amendement, « les patients pourraient être orientés vers l’IPA par le service d’accès aux soins (SAS) ou le secrétariat de la structure dans le cadre d’un exercice collectif ». L'information du médecin traitant des soins réalisés se ferait via le dossier médical du patient.
Enfin un amendement de la rapporteure, Stéphanie Rist, autorise les infirmières à signer les certificats de décès à titre expérimental. Un décret devrait fixer les modalités de cette expérimentation limitée à trois régions.
« Pour la coupe du monde, un ami a proposé quatre fois le prix » : le petit business de la revente de gardes
Temps de travail des internes : le gouvernement rappelle à l’ordre les CHU
Les doyens veulent créer un « service médical à la Nation » pour les jeunes médecins, les juniors tiquent
Banderole sexiste à l'université de Tours : ouverture d'une enquête pénale