« Je considère que la façon de la Carmf de traiter ses affiliés n'est pas normale », résume au « Quotidien » le Dr Richard Talbot, militant de la Fédération des médecins de France (FMF). Depuis plusieurs jours, le généraliste, expert des questions sociales, critique ouvertement la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) sur sa gestion des indemnités journalières (IJ), à partir du 90e jour d’arrêt de travail.
Dans un article du 7 avril intitulé « La Carmf maltraite ses affiliés », véritable réquisitoire publié sur le site de la FMF, le Dr Talbot – s'exprimant en son nom propre – étrille la caisse de retraite qui selon lui « fait pâle figure » à côté de la Cnam (et de son nouveau système d'IJ pour les libéraux du quatrième au 89e jour d'arrêt).
Par rapport à la Sécu dont le système d'IJ est jugé « simple et performant », la Carmf « verse dans des pratiques qui tiennent de la complexité administrative du niveau des 12 travaux d'Astérix » et « pose des questions qui feraient passer l’inquisition espagnole pour de doux rêveurs », ironise le Dr Talbot.
Demandes abusives ?
A l'en croire, pour être indemnisés, les médecins libéraux doivent faire parvenir à la Carmf « par voie postale » « un volumineux dossier » contenant de multiples documents dont « un certificat médical détaillé établi par le médecin spécialiste » avec des éléments cliniques, ainsi qu'une photocopie du livret de famille tenu à jour ou encore une photocopie de votre extrait d’acte de naissance… « Qu’est-ce que ça vient faire pour l’indemnisation d’un arrêt de travail ? », enfonce le Dr Talbot. « On ne peut que s’étonner qu’une caisse de prévoyance faite par les médecins, pour les médecins, et gérée par les médecins, tombe dans de tels travers », s'exaspère le généraliste.
Autre pique portant sur le rapport IJ/cotisations : selon les calculs du Dr Talbot, les médecins cotiseraient à la Carmf « trois fois plus pour toucher moins ». À travers ce coup de gueule, le médecin souhaite que la Carmf qualifiée au passage de « dinosaure » au fonctionnement « ubuesque et kafkaïen » révise ses procédures pour faciliter la vie des médecins.
Jusqu'à 100 000 euros en jeu
Ce tir de barrage a fait bondir le président de la Carmf, le Dr Thierry Lardenois, qui juge les « attaques » « non fondées », traduisant « pour le moins une méconnaissance du régime des IJ de la caisse ». Dans un long courrier en forme de droit de réponse, publié également sur le site du syndicat, le patron de la Carmf, lui aussi généraliste, fait valoir que cette dernière gère non pas un régime de maladie mais un régime de prévoyance et « qu’à ce titre, elle a, bien sûr, obligation de contrôle médical, ce qui justifie la totalité des demandes médicales ».
Sur le fond, la Carmf se défend de tout excès de zèle dans ses contrôles, au regard des montants en jeu. « Les indemnités versées par la CPAM [caisse primaire] sont limitées à 360 jours sur trois ans alors même que la durée de versement maximale prévue par les statuts de la Carmf, pour la même période, est de 1 095 jours, recadre le Dr Lardenois. La couverture de l’incapacité est donc trois fois plus importante et peut atteindre plus de 100 000 euros par médecin, ce qui justifie un minimum de contrôles et une surveillance de la bonne utilisation des cotisations. » Concernant la demande de documents administratifs, ils permettent la mise à jour du dossier du médecin, « pour servir au mieux ses intérêts et éventuellement ceux de ses ayants droit si la situation le justifie », plaide encore le président de la Carmf.
Un dinosaure qui « a la fibre »
Quant au rapport prestations/cotisations IJ, la Carmf ne serait pas trois fois plus chère que l'Assurance-maladie mais… « trois fois moins chère » que les caisses primaires. En effet, la cotisation IJ à la Carmf pour un BNC de 80 000 euros n’est pas de 738 euros par an (comme l'écrit le Dr Talbot), mais « de 243 euros, la différence étant affectée aux risques invalidité et décès », précise le Dr Lardenois. « En revanche le nombre de jours indemnisables est trois fois plus important (1 095 au lieu de 360) », rappelle-t-il.
Côté digital, la Carmf souligne avoir instauré une correspondance et un échange de documents par mail avec les médecins. Un praticien qui déclare un arrêt par voie postale se verra, certes, adresser un dossier à constituer par ce même moyen. Par contre, le médecin qui déclare par messagerie à l’adresse prestationreversion@carmf.fr, pourra constituer son dossier via cette voie électronique. « Le Dr Talbot se serait renseigné, il aurait constaté que le dinosaure s’est fait installer la fibre », tacle le patron de la Carmf.
Le Dr Lardenois rappelle enfin que la Carmf a pris en charge au premier jour, « sans un centime de cotisations, plusieurs milliers de confrères touchés » par le Covid. Ses services ont soutenu « l’ensemble des confrères en difficulté, preuve que les dossiers n’étaient pas si difficiles à constituer ». « Je ne pense donc pas que la Carmf maltraite ses affiliés et je laisse à chacun de juger si en l’occurrence certains affiliés ne maltraiteraient pas la Carmf », conclut-il.
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