Courrier des lecteurs

Fin de l’omerta ?

Publié le 17/05/2024
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Une brillante chef de service d’infectiologie s’est exprimée il y a quelques semaines dans un hebdomadaire grand public. Son but était de dénoncer des situations intolérables concernant les rapports de domination homme/femme au sein des hôpitaux français. Cette dernière a voulu, au travers d’un témoignage, relaté le comportement d’un confrère qui, selon ses dires, avait des façons d’agir avec la gent féminine tout à fait coupables et irresponsables.

Certains comportements de chefs de service ont été condamnés pour des raisons similaires. Cette « mise au point » très récente a permis de montrer aux Français que les médecins peuvent, pour certains, être condamnés pour des faits répréhensibles. Il faut reconnaître que ceux qui font la une des journaux sont souvent allés très loin dans leur coupable comportement. Il a fallu de nombreux témoignages, et des années de silence avant de poursuivre ces êtres malfaisants.

La parole des victimes d’attouchements ou parfois de viols est de plus en plus partagée par les réseaux sociaux et autres médias.

Les abus sexuels touchent tous les milieux

Un déluge de plaintes et de témoignages nous montre que certaines personnes parfois très médiatiques ont profité de leur aura pour satisfaire leurs désirs sexuels.

Cette libération de la parole est, à mon sens, à mettre en relation avec la médiatisation de certaines affaires qui a permis à certaines et certains (les hommes sont également parfois des victimes) de s’exprimer sans aucun scrupule. Ainsi dans le domaine des arts (cinéma surtout), un monde que l’on croit préservé de ce fléau, on apprend que certaines actrices ont été des victimes de réalisateurs peu scrupuleux, et le plus souvent en manque de contrôle de leurs pulsions. Ce monde que l’on croyait au-dessus du lot n’est pas aussi sain de corps et d’esprit que nous pourrions le penser. Pire, nous remarquons que certaines femmes parfois très jeunes, et qui ont réussi dans le monde du spectacle, ont été abusées, cela sans que les parents s’en soucient ou ferment pour certains les yeux.

Alors que régulièrement nous sommes abreuvés d’articles concernant des faits incestueux au sein de familles peu éduquées, nous voyons que cette situation touche également les « hautes couches » sociales. On se rend compte que, tout comme la drogue, des relations non consenties entre hommes et femmes (il s’agit parfois d’actes de pédophilie) concernent de la même manière les riches comme les pauvres. Je me rappelle fort bien du film La Jument verte de Marcel Aymé qui m’a permis de réaliser que les faits d’inceste au sein d’une même famille n’interpellaient que très peu les pouvoirs publics, et étaient connus de tous.

Notre société évolue parfois en mal pour certaines choses, mais parfois de manière très positive en mettant en lumière certains faits permettant une plus grande justice dans certains cas.

Un effet boomerang…

Pour revenir à notre consœur qui a dénoncé le comportement d’un collègue, je reste très surpris par la réaction de certains lecteurs exprimée dans certains quotidiens, lesquels ne soutiennent que partiellement cette dénonciation.

La parole se libère, ce qui est une bonne chose

Nombreux sont ceux qui ne tiennent pas compte des propos de cette infectiologue, et se contentent de la critiquer du fait de sa médiatisation intensive, ou de son rôle dans l’achat d’antirétroviraux pour réduire la mortalité du fait de la Covid-19.

Tout cela nous montre qu’à force de se retrouver sur la scène de nombreux plateaux télévisés, mais aussi dans les pages d’un nombre incalculable de journaux, on peut se brûler les ailes et ne plus avoir l’audience et la reconnaissance voulue. Espérons néanmoins que les propos, s’ils se révèlent justes, de notre éminente experte en infectiologie, ne resteront pas lettre morte.

La parole se libère, ce qui est une bonne chose, car nombreux sont celles et ceux qui abusés par des êtres libidineux souffrent de dépression ou de mal-être. Or, nous ne pouvons accepter que la souffrance morale de ces victimes ne soit pas prise en compte. C’est par la reconnaissance des faits de prédateurs ayant agi sans vergogne que ces personnes, pour certaines, pourront se reconstruire.

« L’ingratitude attire les reproches, comme la reconnaissance attire les nouveaux bienfaits » – Mme de Sévigné

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Dr Pierre Francès, généraliste à Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du Médecin