Fin avril, à Ottawa, la pollution plastique a réuni, malheureusement sans consensus, 175 pays pour discuter du futur Traité Mondial visant à lutter contre cette pollution.
Le fait est que l’on « adoooore » le plastique : emballages (le plus souvent à usage unique et pour un temps très court), six matières textiles sur dix (polyester, acrylique, nylon… Merci la fast fashion), biens de consommation, bâtiment (revêtements, fenêtres, canalisations…), et même transport, le plastique est partout dans notre quotidien.
Pas cher, malléable, résistant et léger, le plastique bénéficie d'un « intérêt » croissant et sa production mondiale annuelle devrait atteindre 34 milliards de tonnes d’ici 2050 versus 9 200 millions de tonnes entre 1950 et 2017. Pire, selon l'Ademe, la France est l'un des plus gros consommateurs en Europe avec 70 kg de plastique utilisé par Français et par an !
Sans compter le « plastique de qualité médicale »
Seringues, cathéters, sondes d'alimentation, hémodialyse, boîtiers d'IRM, prothèses… En médecine aussi, on trouve le plastique fantastique, enfin le « plastique de qualité médicale », c’est-à-dire non perméable, stérilisable et surtout biocompatible, un gigantesque progrès. Le PVC par exemple est le polymère le plus largement utilisé dans les dispositifs médicaux à usage unique (27 % en Europe en 2021 selon le Europe Medical Polymer Market Report).
Seulement, y’a un hic : ce plastique bien pratique est malheureusement devenu une vraie plaie pour la planète, sur Terre, mais aussi dans les océans où se déverse, toutes les minutes, l’équivalent d’un camion poubelle de déchets plastiques et où, forcément, 90 % des animaux ont déjà ingéré du plastique. Sans réelle surprise, l’analyse des sigles ou logos sur les milliers de débris plastiques récemment collectés dans plus de 80 pays a révélé que 56 entreprises mondiales seulement seraient à l'origine de la moitié de la pollution plastique. Si vous pensez au soda à l’emballage rouge mythique, oui, il est bien dans la liste…
Autre problème, seulement 21 % du plastique mondial est recyclé, ce qui favorise la croissance exponentielle des déchets plastiques. Même si l'évolution de la législation a entraîné, depuis quelques années, la suppression de divers produits en magasin, le retard est dur à combler puisqu’il faut environ 10-20 ans à un sachet plastique pour se décomposer, et pas moins de 450 ans pour une bouteille plastique.
Et c’est bien ça qui coince : les plastiques ne sont PAS biodégradables. Ils se décomposent lentement, très lentement, en microplastiques (< 5 mm) et nanoplastiques (< 1 µm) sous l’effet du temps, du soleil et des conditions extérieures. C’est justement leur petite taille, leur distribution ubiquitaire (atmosphère, alimentation, eau du robinet ou en bouteille, etc.) et leur longue persistance dans l’environnement qui constituent les voies directes d’exposition humaine. Des preuves récentes indiquent en effet que nous inhalons et ingérons constamment des micro- et nanoplastiques à la « dose » d’environ 5 g/semaine, soit l’équivalent d’une carte de crédit.
Une présence dans le corps humain
Plusieurs travaux font état de la présence de traces de plastique dans le sang humain ou, plus récemment, dans des organes comme les poumons. Or ces composés développent des effets sanitaires néfastes par le biais d’effets perturbateurs endocriniens, du stress oxydatif, d’une inflammation ou d’un dysfonctionnement immunitaire. Ont été rapportés une prise de poids, une résistance à l'insuline, des troubles de la santé reproductive voire le cancer (le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait classé le chlorure de vinyle « cancérogène avéré » dès 1987).
Comme pour d’autres polluants chimiques, les femmes paient un lourd tribut à la pollution plastique. Les cosmétiques, les produits d’hygiène, les tampons et serviettes hygiéniques sont très largement contaminés. Enfin, alors que la grossesse est une période particulière de vulnérabilité, une étude américaine sur 62 placentas testés a montré que 100 % d’entre eux contenaient des microplastiques.
Nous inhalons et ingérons constamment des micro- et nanoplastiques à la « dose » d’environ 5 g/semaine
Si les preuves définitives des risques sanitaires des débris plastiques sont encore rares, une récente publication du New England Journal of Medicine a, comme on dit, « jeté un (gros) pavé dans la mare ». Dans cette étude italienne sur 304 patients subissant une endartériectomie carotidienne, du polyéthylène et du polychlorure de vinyle ont été détectés dans la plaque carotidienne de, respectivement, 58,4 % et 12,1 % des patients. Dans ce cas, le risque d'infarctus du myocarde, d'accident vasculaire cérébral ou de décès s’est avéré 4,5 fois plus élevé que chez ceux aux plaques carotidiennes « indemnes ». Ainsi, il n’y a pas que le tabac qui tue !
On connaissait déjà l’Homme bionique, le temps de l’Homme plastique serait-il donc venu ?
Gynécologue et endocrinologue de formation, Catherine Azoulay a été clinicienne pendant plus de 30 ans et chef de projet dans le dépistage organisé du cancer et en institution publique (Haute Autorité de santé, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé…). Elle a créé et coordonné la revue spécialisée RéfleXions en Gynécologie Obstétrique pendant 11 ans. Elle a également eu une activité de conseil puis de directrice médicale en industrie pharmaceutique Santé de la Femme. Membre actif du comité Éthique et Stratégique du collectif Femmes de santé, elle exerce actuellement une action associative en santé environnementale au sein du Cercle thématique santé des Shifters et de l’ONG Alliance santé planétaire.
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