Environnement

Perturbateurs endocriniens : comment l’exposition précoce altère la reproduction

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Publié le 26/11/2021
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Des chercheurs lillois montrent chez le rat que l’exposition précoce au bisphénol A empêche les neurones à GnRh de jouer leur rôle de chef d’orchestre à la puberté et à l’âge adulte.
Astrocyte né pendant la période infantile (rouge) (période de 7 à 20 jours après la naissance) arrimé à un corps cellulaire de neurone à GnRH (vert). Les prolongements des astrocytes sont marqués en blanc

Astrocyte né pendant la période infantile (rouge) (période de 7 à 20 jours après la naissance) arrimé à un corps cellulaire de neurone à GnRH (vert). Les prolongements des astrocytes sont marqués en blanc
Crédit photo : Crédits : Vincent Prévot, Inserm.

Comment les perturbateurs endocriniens altèrent-ils le développement des fonctions reproductrices ? Des chercheurs (Inserm/CHU de Lille/université de Lille) au sein du laboratoire Lille Neuroscience et cognition ont découvert comment le bisphénol A peut altérer dès la naissance l’intégration des neurones à GnRH dans le circuit neuronal. Ces résultats observés chez l’animal ont été publiés dans « Nature Neuroscience » (1).

Les neurones à GnRH, présents dès la naissance, contrôlent tous les processus associés aux fonctions reproductrices : la puberté, l’acquisition des caractères sexuels secondaires et la fertilité à l’âge adulte. Alors que des travaux récents suggèrent une forte sensibilité de ce réseau neuronal aux perturbateurs endocriniens, les chercheurs ont voulu savoir si cela se passait au niveau de la nécessaire rencontre entre ces neurones à GnRH et les astrocytes, au cours de la période dite de « mini-puberté ».

Cette période débute une semaine après la naissance chez les mammifères lors de la première activation des neurones à GnRH (c’est à ce moment qu’ont lieu des premières sécrétions des hormones sexuelles).

Indispensables astrocytes

Les neurones à GnRH doivent en effet s’entourer de ces cellules de soutien : l’arrimage des astrocytes est une étape déterminante pour leur intégration dans le réseau neuronal. « Un échec de l’intégration des neurones à GnRH lors de la mini-puberté peut entraîner une prédisposition à développer des troubles de la puberté et/ou de la fertilité, mais aussi affecter potentiellement le développement du cerveau et ainsi entraîner des troubles de l’apprentissage ou encore des désordres métaboliques tels qu’un surpoids », explique Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm et dernier auteur de l’étude.

Pour leurs travaux chez le rat, les chercheurs ont choisi d’étudier le rôle du bisphénol A. Ce composé utilisé dans la fabrication industrielle des plastiques n’est interdit que depuis 2015 dans les biberons et d’autres contenants alimentaires. « Malgré son interdiction, le bisphénol A est toujours présent dans notre environnement, relève le chercheur. Du fait de la dégradation lente des déchets plastiques, mais également car il se trouve dans des contenants alimentaires achetés avant 2015 et qui ont été conservés. Avec le recyclage des déchets, le bisphénol A contenu dans des plastiques datant d’avant 2015 a également pu se retrouver dans des produits neufs. »

Exposition précoce, impact à long terme

Dans les expérimentations, des rats femelles ont reçu des injections de faibles doses de bisphénol A pendant les 10 jours suivant la naissance. Grâce à une technique de marquage des astrocytes, les chercheurs ont pu observer que, sous l’effet du bisphénol A, les astrocytes ne parviennent pas à s’arrimer de manière permanente aux neurones à GnRH. Cela entraîne par la suite un retard pubertaire ainsi qu’une absence de cycle œstral chez les rates adultes (équivalent du cycle menstruel chez la femme).

« Nos résultats soulèvent l’idée que l’exposition précoce à des produits chimiques en contact avec les aliments, tels que le bisphénol A, peut perturber l’apparition de la puberté et avoir un impact durable sur les fonctions reproductrices, en empêchant les neurones à GnRH de construire, dans l’hypothalamus, un environnement approprié et nécessaire à leur rôle de chef d’orchestre de la fertilité », explique Ariane Sharif, maître de conférences à l’université de Lille qui a codirigé l’étude.

Les scientifiques cherchent désormais à décrire encore plus précisément le mécanisme. Une des hypothèses est que le bisphénol A pourrait agir directement sur les récepteurs des astrocytes pour bloquer la communication entre les deux types de cellules. L’équipe s’intéresse par ailleurs à l’action du bisphénol A sur l’ADN et aux traces qu’il pourrait y laisser.

D'après un communiqué de l'Inserm
(1) G. Pellegrino et al, Nature Neuroscience, 18 novembre 2021. DOI : 10.1038/s41593-021-00960-z

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin