AME « indispensable », « responsabilisation » des prescripteurs, C à 30 euros… : Aurélien Rousseau livre ses vérités face aux sénateurs

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Publié le 26/10/2023
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Crédit photo : Capture d'écran Sénat

Il était le grand absent des quelques heures de débat autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), mercredi, avant qu’Élisabeth Borne ait recours au 49.3 sur le volet « recettes » de ce budget. Aurélien Rousseau avait une bonne excuse : il défendait au Sénat la position du gouvernement sur la proposition de loi Valletoux. Mais ce jeudi, le ministre de la Santé était auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat sur ce même PLFSS, occasion pour lui de faire passer plusieurs messages politiques.

Aurélien Rousseau est arrivé en retard. Mais là encore, il avait une excuse : il était en rendez-vous avec Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens. Comme un symbole, puisqu’il a beaucoup été question de médicaments au début des échanges. Les sénateurs l’ont interrogé à plusieurs reprises sur les « médocs », comme le dit volontiers le ministre. La question principale est celle de la pertinence : des délivrances « à l’hosto », du taux de remboursement à 15 %, de l’homéopathie, des prescriptions en ville… Mais aussi des Français, qui achètent des boîtes qu’ils ont déjà à la maison, entraînant un surachat. Il faut une « responsabilisation », notamment dans la prescription des médecins, qui bénéficient d’outils performants, a défendu Aurélien Rousseau, renvoyant ce chapitre aux négociations conventionnelles.

Patience sur les franchises

Le doublement des franchises et des participations forfaitaires permettrait-il une responsabilisation accrue des assurés ? Le ministre a confirmé que ce sujet sensible est « instruit et peut être mis en œuvre ». Mais d’une part, cette mesure réglementaire mettrait quatre mois à voir le jour, en raison des consultations nécessaires et, d’autre part, « nous ne pouvons pas prendre cette mesure avant la fin des débats du PLFSS ». Ce débat intervient dans une période de pouvoir d’achat restreint pour les Français, précise Aurélien Rousseau, qui confirme le maintien « essentiel » des plafonds à 50 euros par an dans les scenarii envisagés. Une décision sera prise « à l’issue des débats parlementaires », a-t-il confié aux sénateurs. Affaire à suivre, donc.

Face à l’augmentation « extrêmement forte » des indemnités journalières (IJ), le ministre a d'abord insisté sur la rationalité de cette dynamique, notamment parce que la hausse est « tirée par l’augmentation de la population active ». « Ce qui coûte et de loin le plus cher, ce sont les IJ longues pour les maladies longues », ce qui renvoie, selon lui à « la prévention, la qualité de vie au travail, la reconversion ». Donc, « il ne faut pas se tromper de cible », a-t-il plaidé, sans nier qu'il y a aussi une « explosion d’IJ chez les plus jeunes ». Mais surtout « en volume, car en coût c’est moins de 5 % ». Sa préoccupation majeure est plutôt le sort des « personnes fracassées par leur vie ou leur travail, à 50 ans », liant aussi ce sujet à la réforme des retraites (qui concerne la santé publique à ses yeux).

Pour autant, Aurélien Rousseau n'est pas surpris que, lorsque des médecins prescrivent trois à quatre fois plus que leurs confrères, « l’Assurance-maladie aille voir la réalité » derrière les chiffres. Là aussi, il renvoie aux négociations et appelle à un débat sur l'article 27 du PLFSS au sujet des contrôles des praticiens et des assurés.

Pathologies infectieuses

Alors que le débat sur l’aide médicale d’État (AME) va revenir lors de l’examen de la loi immigration, le ministre de la Santé a profité de cette audition pour justifier sa position. « C’est un dispositif indispensable de santé publique », a-t-il cadré. « La transformation en aide médicale d’urgence, que la majorité sénatoriale a adopté, conduit à un déversement des soins urgents sur l’hôpital, ce qui noie la dépense », a-t-il analysé. Or, a-t-il encore argumenté, « le but de l’AME est d’intervenir avant que la situation ne soit trop grave, notamment sur les pathologies infectieuses ». Et de citer la tuberculose et les hépatites comme possibles maladies qui seraient davantage diffusées en cas d’adoption d'une loi restrictive.

S'il n’est pas interdit de s’intéresser à un dispositif qui coûte « un milliard et quelques », Aurélien Rousseau a affiché sa fermeté. « Je veux tuer certains fantasmes : il y a eu 35 opérations pour oreilles décollées, pour un coût de 6 000 euros ». Une opération, a-t-il renseigné, que des associations françaises vont réaliser à l’étranger, pour « réparer des difformités ». Alors, « regardons à nouveau », a-t-il enjoint, alors qu’une mission a été confiée à Claude Evin et Patrick Stefanini sur la pertinence de l’AME.

Ne pas laisser les hôpitaux dans le rouge 

Les sénateurs ont interrogé Aurélien Rousseau sur le sujet de la prévention. Une nouvelle fiscalité nutritionnelle ? Il faut trouver un équilibre entre ce que veulent les Français et les recommandations, a éludé le ministre, ouvert sur le sujet mais préférant continuer dans la lignée du Nutri-Score.

Le PLFSS mais aussi la PPL Valletoux sur l'accès aux soins et les négociations conventionnelles sont pour le ministre « les trois leviers » de son action. S’il « retient l’objectif du C à 30 euros » pour les médecins, il n’oublie pas les autres professions de santé, comme les pharmaciens ou les manipulateurs radio, dont il faut renforcer l’attractivité.

Sur le financement des hôpitaux enfin, le ministre s'est efforcé de rassurer les fédérations du secteur. « Nous ne les laisserons pas dans le rouge », à cause de l’inflation. N’ayant pas de visibilité sur les Ondam, Aurélien Rousseau a indiqué qu’il ferait « un point à la fin de l’année » et a sous-entendu que le gouvernement devrait probablement intervenir pour soutenir les hôpitaux, avec une rallonge tarifaire.


Source : lequotidiendumedecin.fr