Après le rapport assassin de la Cour des comptes, les syndicats de médecins cléments avec l'Ordre

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Publié le 13/12/2019
Dr Patrick Bouet

Dr Patrick Bouet
Crédit photo : GARO/PHANIE

On ne tire pas sur une ambulance. Interrogés par Le Généraliste, les syndicats de médecins libéraux se montrent relativement cléments envers l'Ordre national des médecins, épinglé par la Cour des comptes pour sa mauvaise gestion. Aucun syndicat n'a d'ailleurs officiellement réagi par voie de presse au rapport au vitriol publié lundi qui pourrait, selon Le Canard Enchaîné, donner lieu à des suites judiciaires – la Cour pourrait saisir le parquet national financier.

Le Dr Ortiz, président de la CSMF, qui avait exprimé sa « stupeur » lors de la divulgation de premiers éléments accablants dans un communiqué en février, se dit « interpellé » par le rapport de la Cour des comptes. Il se montre cependant « toujours prudent » avec les rapports des Sages de la rue Cambon et affirme n'avoir « aucune raison de remettre en cause la bonne foi du Dr Bouet » quant à la sincérité des comptes de l'institution. « C’est un débat de spécialistes en comptabilité. Mais si les faits étaient avérés, cela poserait effectivement problème, le Cnom étant le garant de l’honneur et de la probité de la profession. » 

Pas de polémique

Refusant de « polémiquer avec l'Ordre », le Dr Hamon profite toutefois de l'occasion pour souligner que le Cnom « ne manque pas de budget » et dire qu'il verrait bien les syndicats en récupérer une partie. « Ce serait mieux, on aurait davantage les moyens de défendre la profession, se prend à rêver le patron de la FMF. Si, par exemple, deux tiers du montant de la cotisation (335 euros en 2019, ndlr) allaient à l’Ordre et si le tiers restant était à répartir entre les syndicats représentatifs, ce ne serait pas un scandale. »

Le Dr Philippe Vermesch, a le même raisonnement. « Avec une puissance de 85 millions d'euros de cotisations et 151 millions de réserves, il est un peu facile de venir sur le débat syndical alors que les syndicats, eux, ne sont pas financés par une cotisation obligatoire de l'ensemble de la profession ».

Car s'ils refusent d'accabler l'Ordre qui les représente, les syndicalistes s'accordent en revanche sur un point (mineur) du rapport : l'empiétement ordinal sur le champ syndical, quoi que s'en défende le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) qui veut « continuer à faire entendre la voix des médecins dans le débat public »« L’Ordre se positionne effectivement parfois de façon ambiguë, un peu comme un syndicat, relève le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Quand il donne son avis sur un texte de loi ou une convention, on attend un avis déontologique et non pas celui d'un syndicat. » Le Dr Jean-Paul Ortiz partage ce constat. Le président de la CSMF affirme l'avoir déjà exprimé à plusieurs reprises au Dr Patrick Bouet, patron de l’Ordre. « Je sais qu’au Cnom, un certain nombre de médecins sont en désaccord avec ce positionnement, précise-t-il. Il y a de nombreux thèmes majeurs importants comme la biogénétique, les recherches sur l’embryon, sur lesquels on n’entend pas beaucoup l’Ordre. »

La représentativité en débat

Les syndicats ne font pas spontanément de reproche sur les indemnités des membres du bureau ou le prétendu laxisme disciplinaire. Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, explique « ne pas vouloir en rajouter ». Sur la question du manque de représentativité de l'Ordre (très masculin et très âgé), le septuagénaire souligne que « l’Assemblée nationale n’est pas représentative de la population française ». Une opinion que ne partage pas le Dr Philippe Vermesch, président du SML. « Il y a des médecins au sein de l'Ordre qui ne travaillent plus depuis longtemps, qui sont retraités et n’ont plus de rapport à la vie professionnelle. Ils sont parfois déconnectés », note-t-il.

En évitant d'égratigner davantage leur Ordre malmené, les syndicats semblent vouloir éviter que cet épisode puisse jeter le discrédit sur l'ensemble de la profession.


Source : lequotidiendumedecin.fr