Bataille politique à l'Assemblée nationale autour de l'endométriose

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Publié le 20/09/2023

Crédit photo : GARO/PHANIE

La reconnaissance de l’endométriose comme une affection longue durée (ALD) est au cœur d’une bataille politique à l’Assemblée nationale. En s’emparant de ce sujet sociétal, le Rassemblement national (RN) met ses adversaires, au gouvernement comme dans l’opposition, dans l’embarras.

Le 12 octobre prochain, les députés du RN ouvriront leur « niche parlementaire » (journée réservée aux groupes minoritaires dans l’hémicycle) avec une proposition de loi de Jean-Philippe Tanguy sur le sujet. Le député de la Somme veut « soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose » en accordant à cette maladie qui touche environ 10 % des femmes en âge de procréer un statut d’ALD « exonérante », « totalement prise en charge par l'assurance maladie ». Il entend aussi « reconnaître les femmes victimes d'endométriose et qui en expriment le besoin » comme « travailleuses handicapées ».

Le camp présidentiel divisé sur la stratégie à adopter

Alors qu’une proposition de résolution de la députée insoumise Clémentine Autain sur le même sujet a été adoptée à l'unanimité en janvier 2022, le RN met en difficulté ses opposants qui ont jusqu’ici toujours rejeté ses propositions de loi. « Le Rassemblement national est dans une stratégie de banalisation », a dénoncé le 18 septembre la patronne des députés écologistes Cyrielle Chatelain, au nom de l'alliance de gauche Nupes. « On verra comment on réagit à cette niche mais en aucun cas (...) il n'y aura de position commune entre nous et le RN », a-t-elle insisté.

Clémentine Autain fustigeait, une semaine plus tôt, dans un entretien à L’Obs, une « opération grossière », « un écran de fumée pour tenter de brouiller (sa) position idéologique » et « corriger son image ». « Je rappelle que Marine Le Pen et ses amis se sont battus (en 2022) contre l'allongement du délai de recours à l'IVG », poursuit l’élue. La députée appelait le 12 septembre le ministre de la Santé Aurélien Rousseau à « prendre ses responsabilités » avec la publication « en urgence » d’un décret entérinant les dispositions de sa résolution, avant l'examen du texte RN.

Dans le camp présidentiel, la question a été soulevée lors d'une réunion du bureau du groupe le 18 septembre, sans être tranchée. Plusieurs pistes sont avancées : une réécriture du texte par amendements pour adopter une version différente, avec d'autres mesures demandées par les associations, ou tout simplement le rejeter. Mais les avis divergent sur la position à adopter, certains envisageant l'adoption du texte quand d'autres, à l'instar de l'aile gauche de Renaissance (En Commun !), entendent s'abstenir.

« Il y a toujours des récupérations politiques », regrette Priscilla Saracco, directrice générale de l’association Endomind. « L'ALD a un réel impact positif », insiste-t-elle, espérant une réaction du ministère. « C'est compliqué pour les malades de se retrouver derrière tout ce jargon politique et de comprendre pourquoi il n’y a toujours pas d'avancées concrètes ».

Pas de consensus parmi les associations, selon Olivier Véran

Par la voix de son porte-parole, Olivier Véran, le gouvernement a indiqué qu’il n'interviendrait pas sur le sujet avant le 12 octobre. La reconnaissance en ALD de l'endométriose n'a pas à devenir « systématique », a-t-il plaidé lors de son compte rendu du Conseil des ministres, même si c’est « un vrai sujet de débat ».

« Le comité d'experts que j'avais chargé de réfléchir sur la question (en tant que ministre de la Santé, NDLR) s'était prononcé contre la reconnaissance systématique (...) en ALD, parce qu'il y a des formes qui sont plus ou moins sévères », a-t-il rappelé. « Des milliers de femmes » bénéficient déjà de ce statut, a-t-il poursuivi, et il n'existe « pas de consensus » parmi les associations sur « la question de la reconnaissance systématique en ALD ». « Nous sommes intervenus sur le sujet bien avant que le RN et ses députés soient élus au Parlement », a insisté Olivier Véran.

Lancée en janvier 2022, la première stratégie nationale de lutte contre l'endométriose 2022-2025 est « la plus ambitieuse de toute l'Europe », selon lui. Elle vise à réduire le délai avant le diagnostic, garantir l'accès à des soins de qualité sur tout le territoire et faire avancer la recherche. Du côté des patientes, les résultats de l'étude ComPaRe Endométriose, publiée en avril dernier dans Journal of Women’s Health, montrent les attentes en termes de connaissance et de reconnaissance de la maladie par les soignants, d'outils pour soulager la douleur et de diagnostic précoce.

E.B. avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr