Biosimilaires, tout le monde en parle

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Publié le 18/11/2019
Chaque acteur depuis les industriels jusqu'aux patients livre sa prescription pour un « bon usage » des biosimilaires. Dans ce débat, les intérêts ne sont pas tous convergents. Description des rapports de force.
biosimilaires

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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Qui va gagner la bataille des biosimilaires ? Si les appétits sont féroces et les ambitions fortes, nul ne sait qui va remporter demain la mise. En tout cas, le marché français s'envole. En 2022, il devrait dépasser un milliard d'euros de chiffre d'affaires selon une étude récente de Xerfi Precepta*. Et ce serait le scénario le plus pessimiste. En 2019, les ventes s'établiront à 795 millions d'euros, soit une hausse de 50 % par rapport aux chiffres de 2018. Est-ce alors le gros lot pour tous ? Rien n'est moins sûr. Sur la ligne de départ, les concurrents sont fort nombreux. Mais combien seront-ils sur la ligne d'arrivée ? En attendant, les leaders mondiaux du générique comme Mylan, Teva, Sandoz (Novartis), Hospira (Pfizer) et le Français Biogaran (Servier) sont présents sur ce secteur.

Nouveaux entrants asiatiques

Mais ils sont concurrencés pour la première fois par des biotechs comme Biogen et Amgen présents dès leur création à l'hôpital. Pour renforcer s'il en était besoin la compétition, de nouveaux entrants venus d'Asie entrent dans la course. Un groupe indien USV, cité dans l'étude Xerfi, a récemment acquis Juta Pharma, une société allemande qui disposait d'une AMM européenne. Le Coréen Samsung Biopis a préféré opter pour la collaboration. Il vient d'annoncer un nouvel accord de commercialisation avec Biogen qui porte sur les traitements leaders dans la DMLA, à savoir un candidat biosimilaire du Lucentis (Novartis) en phase III d'étude clinique et un autre biosimilaire de l'Eylea (Bayer) en cours de développement préclinique. Une fois les AMM délivrées par les autorités compétentes, les biosimilaires seront commercialisés sur le continent américain, en Europe, en Australie et au Japon. Il prolonge par ailleurs de cinq ans la distribution en Europe des anti-TNF. Dans la vieille Europe, des acteurs historiques se lancent également. L'Allemand Fresenius-Kabi, spécialiste des produits de perfusion, a inauguré en Suisse en septembre dernier un nouveau laboratoire dédié à la production de biosimilaires. Il avait acquis en 2017 la division biosimilaires de Merck KG aA. Si Pfizer affiche ses ambitions de devenir leader (Cf. entretien Christian Deleuze), il se heurtera à une vive résistance. On compte en France cinq biosimilaires du trastuzumab. À terme le nombre de biosimilaires de l'adalimumab devrait être encore plus important. Faudra-t-il utiliser alors l'arme fatale, à savoir les prix, pour conquérir des parts de marché et éliminer des concurrents ou protéger ses marges afin de réaliser de nouveaux investissements ?

Rôle marginal des officinaux

Derrière cette bataille industrielle incertaine qui se joue au niveau mondial se cache une querelle franco-française. Les pharmaciens d'officine face aux médecins avaient été les grands gagnants de l'implantation des génériques en France. Avec les biosimilaires, leur rôle est actuellement marginal. Le droit de substitution est autorisé par le pharmacien d'officine uniquement en initiation de traitement. Les syndicats de pharmaciens de ville auraient obtenu de la part du ministère des Solidarités et de la Santé l'ouverture d'une nouvelle concertation avec tous les acteurs concernés afin d'envisager de nouvelles modalités du droit de substitution en 2020. Ce combat paraît loin d'être gagné. En effet, un collectif d'associations de patients s'est opposé en octobre dernier à une éventuelle substitution en officine de médicaments biologiques. La prise de position est nette : « La possibilité d'interchangeabilité ne doit rester ouverte qu'au médecin et à lui seul. Comme l'initiation du traitement, elle doit se faire dans le cadre d'une décision médicale partagée. » Les associations avancent notamment l'impossibilité d'imputer un effet secondaire en cas de changement fréquent de traitement. L'assurance maladie est sur la même ligne de front. Son rapport 2020 sur l'évolution des charges et produits, met l'accent sur les spécialistes libéraux. Ils seraient intéressés à leur tour par la prescription des biosimilaires après les médecins hospitaliers (voir notre article du 18 juillet 2019). En tout cas, la ville est bien là où les marges de progression sont importantes et où se gagneront demain des parts de marché. Une certaine fébrilité ne devrait pas retomber…

* Le marché des biosimilaires à l'horizon 2022, parue le 02/09/2019 137 pages Réf : 9CHE29 / XR- 1 300 euros HT


Source : Décision Santé: 318