Accès aux médicaments

Élève moyen, la France peut (doit ?) mieux faire

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Publié le 29/06/2023
En dépit des annonces, la France accuse toujours un retard sur l’accès aux médicaments innovants comparés à ses principaux voisins européens. Première photographie commandée par le Leem afin d’analyser les facteurs de ce décalage.
Thierry Hulot, président du Leem

Thierry Hulot, président du Leem
Crédit photo : DR

Le président de la République dans une séquence récente consacrée à la réindustrialisation affiche l’ambition de faire de la France la première nation européenne dans le domaine de l’innovation en santé. Le Leem avec la première édition de l’Observatoire de l’accès aux médicaments et de l’attractivité réalisée par le cabinet Roland Berger réplique en substance… on est encore loin. Conçu pour illustrer la perte de chance des patients français comparée aux voisins européens, il en administre la preuve avec ses principaux résultats chiffrés. En l’absence de liste qui établirait les médicaments disponibles sur les principaux marchés et pas en France, les promoteurs ont privilégié l’analyse des facteurs expliquant le retard français. Une fois encore, l’Allemagne est désignée comme le meilleur élève de la classe européenne. Un tiers des médicaments ayant reçu une AMM européenne entre 2018 et 2021 ne sont pas disponibles dans l’Hexagone. Ce pourcentage chute à 13 % en Allemagne. Comparé à ses principaux partenaires européens, l’Hexagone fait seulement mieux que l’Espagne. Certes, le mécanisme d’accès précoce se révèle performant pour l’accès à des molécules innovantes. Mais en pratique le dispositif concerne peu de médicaments. Loin d’être nouveau, le retard français s’inscrit dans le temps long. Dans la période 2018-2021, l’Italie en revanche a progressé significativement de 9 points pour l’accès aux nouveaux médicaments.

Délai de plus de 500 jours

Comment expliquer le pourcentage important de médicaments qui ne sont pas mis sur le marché ? Selon l’étude du Leem, les industriels dans 11 % des cas ne déposent pas de dossier anticipant une évaluation négative. Pour 10 % des médicaments, la Commission de transparence du médicament a bien émis un avis négatif. Enfin, l’évaluation ou la négociation de prix sont toujours en cours pour 13 % des dossiers. Ce temps long de discussion dépasse une période de plus de 500 jours pour 69 % des nouveaux médicaments. Ce long tunnel ne mène pas à une voie de sortie. Ce qui conduit les auteurs de l’étude à évoquer le concept d’impasse d’accès pour les patients français. Et de citer les cinq dernières innovations de la classe des antipsychotiques ou les trois traitements de fond de la migraine prescrits dans les principaux pays européens mais pas en France.

Réduction de 22 jours du délai d'attente

Distingue-t-on dans cet état des lieux parfois désespérant des signaux porteurs d’optimisme ? Une réduction significative (22 jours entre 2019 et 2022) des délais d’évaluation par la HAS est notée. Pour autant, avec une médiane de 140 jours, le délai légal européen est dépassé dans 85 % des cas. La situation, à terme, ne devrait pas s’améliorer. Lors de son audition à l’Assemblée nationale le 12 avril dernier avant sa nomination à la présidence de la HAS, Lionel Collet a signalé le déficit en moyens humains pour mener à bien l’ensemble des missions dont celle de la Commission de transparence. Autre paramètre inquiétant, le délai médian de négociation et de publication au Journal Officiel s’est sensiblement allongé depuis 2019. Tous les types de médicaments quel que soit le niveau d’amélioration du service médical rendu sont concernés.

Investissements stabilisés dans trois ans

La difficulté d’accès des patients français aux médicaments innovants pèse enfin sur les investissements anticipés par l’industrie pharma dans les prochains mois. 64 % des entreprises ayant répondu à cette enquête envisagent une stabilité de leur budget en R&D dans les trois ans. On est donc loin des messages triomphalistes envoyés par les pouvoirs publics lors des manifestations annuelles de type Choose France sur le regain d’attractivité du territoire français. Certes, n’ont pas été prises en compte les récentes annonces révélées lors du déplacement d’Emmanuel Macron en Ardèche. Pour autant, les investissements de production étaient stables en 2021. Elles concernent dans leur écrasante majorité l’augmentation ou l’adaptation de capacités existantes et non pas la création de nouveaux sites. Bref la France « peut mieux faire », selon le Leem. La rentrée cet automne avec la présentation du PLFSS 2024 permettra de noter la cohérence entre le discours et la méthode.

Voir le replay de la conférence de presse.


Source : lequotidiendumedecin.fr