Y a-t-il dans la régulation à l’installation des infirmiers libéraux des leçons à tirer pour les médecins généralistes ? Dans le numéro 270 de Questions d’économie de la Santé les chercheurs de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) signent une étude intitulée « Inégalités territoriales de répartition des infirmières libérales : quel impact des restrictions à l’installation en zones sur-denses et des incitations financières en zones sous-denses ? ».
La France a, en effet, détaillent les chercheurs, « un niveau de dotation globale supérieur à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) », avec 637 644 infirmiers de moins de 62 ans en exercice. Mais, précisent-ils, ceux exerçant en libéral « ne sont que 135 027, soit en moyenne 200 pour 100 000 habitants ». Ainsi, « les disparités territoriales persistent avec une accessibilité moyenne 6,6 fois plus élevée dans les 10 % de zones les mieux dotées comparativement aux 10 % les moins bien dotées ».
À la faveur de la création du zonage infirmier en 2012, trois zones ont été créées avec des régulations et incitations différenciées : dans les zones « mieux dotées », des mesures restrictives à l’installation ; dans celles « déficitaires », des mesures incitatives financières et enfin dans celles dites « intermédiaires »… aucune mesure. « L’analyse en différence-de-différences confirme l’impact positif du zonage dans les zones sur-dotées », détaillent les auteurs. Ce zonage « a permis d’améliorer la répartition territoriale des infirmiers libéraux » et « une réduction des inégalités territoriales ».
Pas la même dynamique démographique chez les médecins
S’inspirant de l’exemple des infirmiers, un conventionnement sélectif serait-il de bon augure pour les généralistes ? « La dynamique démographique n’est pas la même chez les infirmiers et les médecins », explique Julien Mousquès, coauteur de l'étude. « D’ici 2030-35, lors du rebond démographique, peut-être pourra-t-on, légitimement se poser la question. D’ici là, il sera difficile de trouver une zone surdotée… Et, ce n’est pas parce qu’une zone sera limitée que les médecins n’iront pas. Il y aura un contournement, avec d’autres modes d’exercice. Si l’on compare avec d’autres pays européens, la modification des frontières entre les métiers de la santé est probablement sous-utilisée en France… c’est pourtant une solution mobilisable à court terme… À plus long terme, la France devrait réfléchir aux profils sociologiques des étudiants de médecine. Les milieux ruraux, par exemple, n’ont pas de présence forte dans ces cohortes d'étudiants. »
Que faire, alors, pour encourager les professionnels à s’engager dans les zones en besoin ? « Dans le triptyque des conditions à l’installation de tous les libéraux se trouvent : les attaches personnelles, le cadre de vie – qui comprend l’emploi du conjoint, l’école, l’offre culturelle – et les conditions de travail – la rémunération et le mode d’exercice compris. Mais le revenu global de l’activité n’est pas l’élément central, car les gens ne vont pas dans ces zones, malgré les incitations. À tout miser tout sur l’incitation financière, on oublie les autres facteurs. On demande au sanitaire de résoudre l’aménagement du territoire… » Quid d’une quatrième année d’internat pour les futurs généralistes en désert médical ? « Si des médecins vont dans les zones sous-dotées une année, c’est un apport ; mais pas une résolution du problème de fond, ni une solution pour tous les territoires »
Sur le zonage mis en place pour définir la répartition des professionnels de santé, Julien Mousquès reconnaît « la lisibilité compliquée, vu de l’extérieur » de certains indicateurs – comme l’indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL) pour les médecins – qui se veulent multivariés. « Il faut se rapprocher du terrain, mais à court terme, les indicateurs riches et variés ne sont pas évidents à mobiliser », affirme le chercheur.
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