La coopération ville-hôpital sera la clé du succès des futurs services d'accès aux soins

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Publié le 27/11/2020
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Plateforme de régulation. Image d'illustration.

Plateforme de régulation. Image d'illustration.
Crédit photo : BURGER/PHANIE

En début de semaine, le ministère de la Santé a publié la liste des 22 projets pilotes retenus 26 départements pour les expérimentations des services d'accès aux soins (SAS) qui seront lancées en janvier 2021. Cette phase test consistera sur ces territoires en une coordination ville/hôpital pour la régulation et la prise en charge de la demande de soins non programmés, avec pour objectif de désengorger les urgences.

Sur le terrain, les acteurs de ville et de l’hôpital et du Samu devront donc avancer main dans la main. Mais avant même de commencer, la sélection et la construction des projets semblent laisser un goût amer aux médecins libéraux. Dans un communiqué, la CSMF regrette que la plupart des projets choisis aient été construits par les hôpitaux sans réelle concertation avec les professionnels de ville. « Il s’agit d’une expérimentation essentiellement centrée sur les SAMU sous l’égide de l’hôpital, écrit le syndicat. La plupart des projets sélectionnés ont été pensés et élaborés par les SAMU et les hôpitaux concernés. Quelques médecins régulateurs libéraux ont été ici ou là sollicités ou cités », ajoute la confédération.
Malgré tout, dans certains territoires, les projets ont bien été construits avec les professionnels de ville. C’est le cas notamment en Indre-et-Loire, où le SAS 37 est né de la collaboration entre les 6 CPTS du département et le 15. « Nous l’avons rédigé main dans la main, explique le Dr Alice Perrain, porteuse du projet au niveau du collectif CPTS 37. Sur le département, nous avons un historique de collaboration entre la ville et l’hôpital, cela fait des années que l’on discute ensemble dans diverses commissions, que nous travaillons ensemble. Nous sommes bien structurés », souligne-t-elle. Dans le Rhône aussi, la médecine libérale a été intégrée à toutes les étapes dans la rédaction du projet. Pour le Dr Vincent Rébeillé-Borgella, secrétaire de l’URPS-ML Aura et impliqué dans le projet SAS 69, la réussite de ces expérimentations dépendra beaucoup de la qualité des relations entre la ville et l’hôpital. « Les relations antérieures entre les libéraux, les hôpitaux et le Samu vont jouer. Là où elles étaient fluides, ce sera facile mais là où cela ne l’était pas, il faudra apprendre à travailler ensemble », explique-t-il.

Encore trop d'inconnues

Mais même pour ces deux projets où la collaboration ville-hôpital se passe bien, le chemin semble encore long avant d’avoir des SAS opérationnels. L’horizon janvier 2021 affiché par le gouvernement paraît bien ambitieux aux vues des inconnues encore nombreuses. « Pour avoir un SAS opérationnel sur la régulation et le choix de créneau de soins non programmés, nous avons encore des obstacles politiques et techniques », relate le Dr Perrain. Au niveau logistique, dans son département, le logiciel utilisé pour l’instant par le Samu est trop ancien pour permettre d’organiser le service d'accès aux soins. Le projet national SI-Samu qui prévoit d’équiper tous les Samu de France avec le même système d’information n’est toujours pas abouti partout. « Chez nous, l’acquisition est prévue pour mi-2021, donc avant ça, pas de SAS », précise le Dr Perrain. Un autre obstacle, politique cette fois-ci, s'ajoute pour l’Indre-et-Loire comme pour le Rhône : l’absence de décision quant au numéro de régulation libérale. Si les médecins libéraux militent pour le 116-117, rien n’a encore été tranché. Le député Thomas Mesnier vient de déposer un amendement pour faire adopter le numéro unique 113 en remplacement du 15 et du 116-117, mais officiellement les négociations sont toujours en cours sur ce sujet. Le SML s'en est étonné ce vendredi, estimant que « cet amendement scélérat sonne comme un coup de force pour imposer un numéro unique ».

Des financements à déterminer 

Dans le Rhône, dès l’annonce de la sélection de leur projet, les acteurs du département ont prévu des rencontres régulières pour se mettre au travail le plus tôt possible. Car même si, sur le territoire, les médecins libéraux avec Medunion Urgences ont déjà un logiciel d’agenda partagé pour les soins non programmés, de nombreux éléments doivent être encore organisés. Et il reste beaucoup de points d'interrogation. « Tout cela ne se fait pas en un mois. Il faut embaucher et former des opérateurs de demande de soins non programmés notamment. Ce n’est pas une régulation traditionnelle, c’est un nouveau métier », estime le Dr Rébeillé-Borgella. Pour le généraliste, la question du financement va se poser aussi pour s’assurer que les médecins libéraux ne perdent pas d’argent. « Il faut trouver un moyen de financer la mise en disponibilité des confrères, car si un généraliste libère des créneaux pour des demandes de soins non programmés et qu’il ne les remplit pas parce qu’il n’y a pas de demande sur son secteur, les médecins finiront par fuir le système », affirme le généraliste rhônalpin. « Sur le financement pour l’instant nous ne savons pas grand-chose », confirme le Dr Perrain, qui rappelle également que des négociations conventionnelles sont en cours pour fixer le montant de la régulation et de la majoration pour les soins non programmés.

Un changement culturel

Avoir des expérimentations bien construites et efficaces au moment de se lancer est d’autant plus important que les SAS ont pour ambition d’amorcer un changement d’habitude chez les Français. « Nous allons demander à la population d’avoir un nouveau réflexe, si nous ne sommes pas prêts et que c’est bancal, la population ne va pas adhérer », considère le Dr Rébaillé-Borgella. En Indre-et-Loire, l’axe premier du projet SAS 37 est d’ailleurs un travail d’information et de communication sur les soins non programmés à destination des patients et des professionnels de santé. « Il y a un gros travail d’éducation à faire sur ce que sont et ne sont pas les urgences, car cela n’a jamais été fait par les pouvoirs publics », souligne le Dr Perrain. Et selon elle, c’est là la plus grosse partie du travail. « Nous n’aurons pas en janvier un numéro qui règle tous les problèmes d’accès aux soins et de soins non programmés, cela va être progressif. »


Source : lequotidiendumedecin.fr