Depuis la gare RER de « Nanterre préfecture » (Hauts-de-Seine), il faut traverser le parc André-Malraux pour rejoindre le centre municipal de santé (CMS). Rénové en 2009, il se dresse à côté du centre social et culturel où, ce jeudi de septembre, trois femmes, la cinquantaine avancée, participent devant l’entrée à un atelier « tricot et crochet ».
À l’intérieur du CMS, financé à hauteur de 20 % par la ville, trois affables secrétaires orientent les patients vers les consultations du rez-de-chaussée : médecine générale, gynécologie, allergologie, dermatologie, ORL, néphrologie, infectiologie, etc. Il est également possible de prendre rendez-vous avec une kinésithérapeute, une psychologue/diététicienne ou d’accéder au cabinet dentaire situé au premier étage.
« Il y a tout ce qu’il faut ici, on trouve facilement des spécialistes », se félicite Inès* dans la salle d’attente. Béquilles à portée de mains, cette femme de 42 ans d’origine maghrébine a traversé la petite couronne pour voir son généraliste. Désormais installée à Versailles, elle refuse d’en chercher un autre, d’autant que « c’est de plus en plus compliqué de trouver un médecin traitant ». Elle apprécie le fait que son médecin du centre « prenne le temps d’ausculter et d’écouter », même si, parfois, « il faut attendre quelques jours pour avoir rendez-vous ».
Pathologies multiples
Il y a pourtant, tous les jours, des plages horaires d’urgence réservées dans les plannings (12 créneaux pour quatre médecins), explique la Dr Véronique Bonfils. La généraliste de 60 ans exerce au CMS depuis 1997. D’abord à temps partiel (25H/semaine) pour « élever mes enfants, bénéficier d’horaires plus souples », puis à temps plein (35 heures). Ici, elle a la certitude « d’aider les autres », de venir en aide à « une population dite défavorisée » qui souffre souvent de « pathologies multiples ». Pour prendre en charge ces patients lourds, la durée moyenne des consultations est passée de 15 à 20 minutes dans le centre depuis 2013. Le jeu en vaut la chandelle pour cette médecin qui prend en charge une patientèle « très attachante », beaucoup de familles « originaires du Maghreb et d’Afrique noire » que l’on suit « des grands-parents jusqu’aux petits-enfants ».
C’est aussi le travail en équipe avec les spécialistes et les infirmiers qui lui plaît particulièrement. « En cas de soucis, on frappe à une porte », à quelques mètres. À l'avant-garde des évolutions des soins primaires, le centre de santé développe aussi la délégation de tâches et les pratiques avancées : consultations d’infirmiers ou d’IPA, binômes médecin/auxiliaire médical, etc. « Les infirmières "peaufinent" les consultations médicales, vérifient la prise de médicaments, font des prises de sang, des soins non programmés », énumère encore la généraliste.
Soupape
La variété de l’exercice est un autre avantage du modèle. Comme deux autres omnipraticiens du CMS, elle travaille en parallèle en PMI dans un autre centre de santé de la ville mais aussi en crèche, une après-midi par semaine. « C’est ma soupape, ça me permet de souffler », admet « la plus vieille » des quatre généralistes (les trois autres ont 28, 32 et 40 ans).
Ici, les plus jeunes professionnels de santé sont eux aussi attirés par le travail collégial, l’exercice coordonné et le salariat qui permet d’être « moins stressé quand on démarre », reconnaît Philippine Bernard. Chirurgien-dentiste de 25 ans, elle préférait « faire ses armes » dans un centre de santé, plutôt que de s’installer en libéral. « C’est très onéreux de monter un cabinet », rappelle-t-elle en pointant du doigt le fauteuil dentaire. Autre atout : « la structure me laisse prendre le temps pour chaque patient, on ne me demande pas de faire du rendement », apprécie la jeune dentiste.
Expérimentations
Une attention nécessaire pour la Dr Hélène Colombani, directrice de la santé de la ville de Nanterre. La présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS, gestionnaires), attachée à une approche globale des soins primaires associant prévention et soins, confirme que les patients du territoire sont souvent « multimorbides, ce qui prend plus de temps » (médical, infirmier ou psychologique), une prise en charge qui n’est pas valorisée par la tarification à l'acte.
Pour faire bouger les lignes, le CMS du Parc fait partie des centres de santé volontaires expérimentant le paiement en équipe de professionnels de santé en ville (Peps), dans le cadre de l’article 51. Lancée en 2019, l'expérimentation repose sur le principe d'une rémunération forfaitaire collective des professionnels, qui se substitue au paiement à l’acte. Son montant varie en fonction des caractéristiques de la patientèle : maladies chroniques, ALD, personnes âgées, etc. Un système qui encourage le décloisonnement et « correspond au futur de la prise en charge des patients en soins primaires », estime la Dr Hélène Colombani. Des arguments pour que le paiement forfaitaire soit inclus dans le futur accord national des centres de santé.
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