Accès aux soins

L’Ordre refuse qu’une généraliste s’installe dans un pôle de santé avec sophrologues et psychanalyste, le maire est furax !

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Publié le 21/08/2023
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L’Ordre des médecins de l’Oise a refusé l’installation d'une généraliste dans un pôle de santé où exercent deux sophrologues et une psychanalyste. Sur place, le maire crie au scandale.

Crédit photo : GARO/PHANIE

« Les gratte-papiers du Conseil du désordre devraient faire des ordonnances au lieu de faire des règlements absurdes ! » Dominique Toscani est un maire bien remonté. Sa commune, Bornel, dans l’Oise, s’est vu refuser l’installation d’une médecin généraliste par le Conseil départemental de l’Ordre des médecins (Cdom) à l’issue d’une séance plénière le 14 juin dernier.

La raison de ce refus ? « D'après un rapport récent de juin 2023 sur les dérives de pratiques non conventionnelles, la sophrologie et la psychanalyse (lesquelles sont exercées sur le site de Bornel, ndlr) n'étant pas assujetties aux professions médicales, elles ne peuvent donc exercer conjointement avec votre activité y compris avec des salles d'attente séparées », a-t-il indiqué dans un courriel adressé au maire, qui crie au scandale.

Depuis plusieurs mois, les pratiques de soins non conventionnelles inquiètent le secteur. Un plan d’action du Cnom a été publié fin juin pour mieux encadrer ces pratiques et de premières Assises nationales de lutte contre les dérives sectaires ont été organisées par le ministère de la Santé début mars.

Un pôle de santé récemment ouvert

Après un an de recherches, une généraliste était prête à s’installer dans les locaux du pôle de santé ouvert il y a un an et demi. La communauté de communes des Sablons, partenaire du projet, a investi 7 000 euros dans du matériel médical pour que tout soit prêt. Aujourd’hui, 14 professionnels de santé y exercent, dont des infirmières, des kinésithérapeutes et des sages-femmes, « tous conventionnés ! », martèle le maire.

Et une autre généraliste était prête à rejoindre le pôle elle aussi, après une rencontre entre les praticiennes le 20 mai dernier. Les deux omnipraticiennes, en activité en Île-de-France, étaient d’accord pour se relayer afin d’assurer une continuité des soins toute la semaine. « Les médecins femmes ne veulent plus être en exercice isolé car elles ont parfois une patientèle compliquée, donc les maisons ou les pôles de santé sont recherchées », explique le maire.

In fine, cinq médecins, dont les deux Franciliennes, auraient pu exercer à Bornel courant 2024 si l’Ordre avait donné son aval. Contacté, l’Ordre des médecins de l’Oise a indiqué ne pas être en mesure de répondre à notre sollicitation en cette période de congés estivaux.

Beaucoup d’attente chez les patients

Une des sophrologues du pôle affirme anonymement au Généraliste que « c’est dommage, d’autant plus que les médecins nous conseillent ! Nous ne sommes pas du personnel médical, nous n’établissons pas de diagnostic… bref, nous n’empiétons pas sur leur pratique ».

Présente elle aussi dans le pôle santé de la commune, Hélène Marzac est diététicienne nutritionniste. Elle regrette ce refus de l’Ordre des médecins. « J’ai des patients qui viennent me voir avec une ordonnance. C’est plus difficile de discuter avec les praticiens quand ils ne sont pas sur place. Les avoir à côté, c’est génial, cela permet un échange direct et hors consultation. » Habitant la commune depuis le début d’année, elle confirme que « tout le monde attendait ce pôle de santé : il manque des médecins partout… Je trouve ça idiot de refuser une installation. Je ne vois même pas en quoi cela causerait un quelconque tort ».

« Je ne lâcherai pas le morceau »

Si la commune est dans cette situation aujourd’hui, c’est que deux de ses trois médecins ont pris leur retraite et que la troisième est partie en région parisienne pour ne pas rester seule dans son cabinet en septembre 2022. Le bassin de vie est d’environ 12 000 habitants. La commune de Bornel, elle, compte 5 000 habitants, lesquels peuvent toujours se tourner vers la borne de téléconsultation installée à la mairie. « Tous mes administrés ne sont pas forcément véhiculés et appeler le 15 n’est pas une solution… », note cependant le maire.

Dominique Toscani a, lui, adressé plusieurs courriers aux parlementaires du département pour tenter de faire avancer la situation. D'après lui, ils sont eux aussi « interloqués ». En tout cas, il prévient : « Je ne lâcherai pas le morceau ». Et à écouter sa détermination, tout porte à le croire !


Source : lequotidiendumedecin.fr