Crise sanitaire

Quelles leçons tirer de la mobilisation de l’expertise sanitaire publique en France pendant la pandémie ?

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Publié le 22/02/2023
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La HAS vient de remettre une analyse prospective sur l’expertise sanitaire mobilisée en France pendant la pandémie. Elle en tire plusieurs propositions notamment pour davantage de coordination, de transparence et d’interdisciplinarité.

Crédit photo : GARO/PHANIE

L’expertise publique en santé a-t-elle été efficiente pendant la crise du Covid-19 ? C’est la question sur laquelle s’est penchée la HAS dans un rapport d’analyse prospective qu’il vient de remettre au Parlement et au gouvernement.

Pendant la crise sanitaire, les autorités ont sollicité largement l’expertise sanitaire pour éclairer ses décisions et souvent dans un temps court. La HAS évoque ainsi « un besoin encore jamais atteint dans de telles proportions d’expertise pour l’aide à la décision ».

Pas assez d'interdisciplinarité

« Analyser la mobilisation et la production de l’expertise pendant cette crise, afin d’en tirer des enseignements et des axes d’amélioration pour l’avenir est indispensable pour être collectivement mieux préparés aux crises qui ne manqueront pas de survenir », souligne la Haute autorité dans un communiqué. La HAS faisant elle-même partie de l'écosystème dont il est question, les propositions qu’elle tire de cette analyse peuvent donc s’appliquer y compris pour elle-même.

Un des premiers enseignements de la crise est la mise en évidence d’une multiplicité d’acteurs et de structures qui appelle à l’avenir à une véritable coordination, « afin d’optimiser les ressources, éviter les redondances et gagner en lisibilité auprès du public et des professionnels de santé », souligne la HAS. Pour l’instance, c’est notamment dans le domaine de la recherche que ce besoin s’est fait ressentir « pour éviter la fragmentation des projets et gagner en efficacité et efficience ».

Autre enseignement de la crise, le manque d’une approche interdisciplinaire. « Les aspects biomédicaux et épidémiologiques ont été privilégiés en prenant trop peu en compte les besoins différenciés des populations ainsi qu’une approche globale de la santé incluant les droits et les libertés de chacun », analyse ainsi le rapport.

Ce dernier met aussi en avant le rôle clé de l’accès et du partage en temps réel des données de santé « pour pouvoir les exploiter à des fins de surveillance, d’évaluation et de recherche », mais aussi en tant qu’outil de transparence.

La transparence et la communication scientifique sont aussi pointées comme éléments primordiaux vis-à-vis du grand public. La HAS évoque la crise de confiance en la science qui a traversé la population pendant la pandémie en raison des avis divergents présentés par des « experts ou personnes se présentant comme tels ».

« Ces prises de position multiples n’ont pas permis à l’expertise scientifique d’être audible et d’être identifiée comme de nature différente d’une opinion », explique la HAS, insistant dans ce contexte sur un besoin de communication important.

Être transparent et assumer l'incertitude

Au regard de ces enseignements, la HAS préconise la mise en place d’une coordination interministérielle. Même si elle met en avant l’atout que représente l’existence de ces multiples organismes et institutions, elle estime également que chacun doit avoir « une définition claire de son périmètre d’expertise » et ça même en dehors de tout contexte de crise.

La HAS recommande en revanche de prévoir une organisation spécifique justement pour les situations de crise pour « définir les processus de travail, offrant la possibilité d’une mutualisation des compétences, y compris entre les structures d’expertise et encourageant les collaborations au niveau international ».

Elle appelle à prévoir les systèmes d’information adaptables et interconnectés élaborés à partir des besoins prévisibles sur les données en cas de nouvelle crise et à mieux soutenir et coordonner les projets de recherche. Pour la multidisciplinarité, le rapport insiste sur une meilleure intégration de la recherche en sciences humaines et sociales et des savoirs expérientiels, issus des professionnels de santé, des acteurs de terrain ou des usagers.

« Ces connaissances, avec un dispositif permettant la remontée et la descente des informations depuis et vers le terrain, pourraient contribuer davantage à éclairer la décision publique », considère la HAS.

Enfin côté communication, la Haute autorité suggère à l’avenir de mieux expliquer et assumer l’incertitude, qui a pu créer une méfiance au sein du grand public mais « qui se trouve être le point de départ de la démarche scientifique », explique-t-elle.

Elle ajoute que l’expertise scientifique doit également être plus transparente. « Via une communication accessible au plus grand nombre » mais aussi pour les experts qui s’expriment dans les médias, qui « devraient présenter de manière explicite leur « statut » afin de permettre à chacun de distinguer ce qui relève de l’expertise, opinion, ou position politique dans leurs propos ».


Source : lequotidiendumedecin.fr