Davantage de facteurs de risque

Cancer du poumon : le lourd tribut masculin

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Publié le 07/11/2019
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Le lien entre homme et tabac reste une préoccupation majeure pour la communauté scientifique même si une certaine prise de conscience est notable.
L’homme est aussi moins vigilant à l’égard de sa santé

L’homme est aussi moins vigilant à l’égard de sa santé
Crédit photo : Phanie

« Les hommes paient encore un lourd tribut à la consommation de cigarettes facile et peu onéreuse des années 1960, qu’il s’agisse des maladies cardiovasculaires, des cancers de la vessie, du colon ou du poumon. », rappelle le Pr Christos Chouaid, pneumologue au CHIC Créteil. Concernant le cancer du poumon, l’évolution la plus préoccupante, compte tenu de sa fréquence et de son pronostic sombre, est aujourd’hui celle observée chez la femme. « L’écart entre les hommes et les femmes s’est en effet nettement réduit, souligne le Pr Chouaid, même si les hommes restent toujours les plus concernés ».

Des études se sont penchées sur la mortalité liée au tabagisme au cours des dernières décennies. Parmi celles-ci, une étude néerlandaise menée à partir des données de mortalité attribuée au cancer du poumon dans 34 pays (Europe, Amérique, Australie) chez des patients de 33 à 99 ans (années 1950 à 2014). Les auteurs ont étudié la proportion de décès liée au tabac (fraction attribuable au tabagisme) parmi l’ensemble des décès dus à la maladie. Ils ont conclu que si la progression de la mortalité attribuable au tabagisme suivait globalement des courbes similaires, les pics de mortalité présentaient des variations importantes selon le genre et les pays. Il culminait à 33,4 % en moyenne chez les hommes en 1986 et à 18,1 % chez les femmes en 2007. Des différences liées principalement aux développements économiques, politiques et au degré d’émancipation des femmes.

Des hommes moins compliants à la prévention

Pour le Pr Chouaid, si la mortalité par cancer du poumon est encore largement masculine, c’est que l’homme a davantage de facteurs de risque associés (alcool, tabac, conduites sociétales). Et à risque égal, la femme a même un meilleur pronostic. Tels sont les résultats d’une méta-analyse portant sur 39 articles incluant plus de 32 000 femmes et 54 000 hommes. L’équipe de scientifiques coréens a conclu qu'être de sexe féminin était un facteur de meilleur pronostic pour le cancer du poumon non à petites cellules au vu des résultats de la survie globale qui étaient meilleurs dans le groupe des femmes que dans celui des hommes.

Pour le Pr Chouaid, « l’homme est aussi moins vigilant à l’égard de sa santé. Face à la maladie, son ressenti est différent avec des attitudes de colère, d’évitements ou de rejets des traitements. Il est aussi moins compliant que la femme aux conseils sanitaires. Et cette situation est encore plus défavorable chez les hommes isolés (divorcés ou célibataires) ». Ces constats faits au quotidien par nombre de pneumologues se doivent d’être mieux reconnus, mieux définis et mieux pris en charge par la psychologie moderne.

Les campagnes de sensibilisation (« moi(s) sans tabac »), les remboursements des substituts nicotiniques par les pouvoirs publics et les avancées thérapeutiques au premier rang desquelles l’immunothérapie ont, sans conteste, joué un rôle majeur en France dans l’évolution favorable du cancer du poumon enregistrée chez l’homme depuis quelques années (stabilité de l’incidence et amorce d’une diminution de la mortalité). Ces efforts de prévention doivent être maintenus voire renforcés pour réduire le tabagisme non seulement chez l’homme mais aussi chez la femme. Un programme expérimental centré sur le dépistage du cancer du poumon accompagné d’un volet sur le sevrage tabagique est actuellement en cours dans le service du Pr Chouaid. Les résultats à 1 an, de ce travail réalisé dans le cadre d’une étude internationale, sont encourageants, notamment dans son volet « sevrage tabagique ».

Dr Isabelle Stroebel

Source : Le Quotidien du médecin