Le point de vue de Roland Sicard

La crise Covid-19 n’est pas finie en cancérologie

Publié le 23/04/2021
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LE POINT DE VUE DE ROLAND SICARD* – Les tensions hospitalières liées au Covid-19 impactent, depuis plus d'un an, l’organisation de la prise en charge des cancers. Mais, selon le président de l'Institut Sainte Catherine spécialisé en oncologie, ces difficultés ont amené les équipes à travailler autrement et à traiter les patients à distance.

Crédit photo : DR

Depuis maintenant plus d’un an, l’organisation de la prise en charge des cancers est déstabilisée. Elle nécessite pour nos équipes médicales et soignantes une forte capacité d’adaptation pour préserver la qualité des traitements et éviter des pertes de chance.

Dans un premier temps, la première vague du Covid-19 a sidéré nos organisations. Pour des établissements spécialisés en cancérologie qui accueillent un grand nombre de patients immunodéprimés, la hantise est de faire entrer le Covid-19 dans les murs. Ce risque, en mars 2020, avec le faible arsenal de protection dont nous disposions, nous a amenés à stopper net les activités de nos plateaux techniques de diagnostic. Nos consultations ont dû se réorganiser avec la découverte pour les médecins des téléconsultations et du télé-suivi des traitements oraux de cancérologie en routine. Côté hospitalisation, la restriction des visites des familles de patients hospitalisés a engendré une forte charge psychologique pour les patients, pour les équipes médicales et soignantes. Dans le verbatim des soignants, post première vague, c’est l’élément qui aura le plus marqué.

Cet effort n’a pas été vain puisque, durant la première vague, nous avons réussi à protéger nos 80 patients hospitalisés du Covid-19 avec aucun cas nosocomial. Malheureusement, de mars à juin 2020, ces mesures ont eu pour effet de générer d’importants retards de diagnostic, des décalages de prise en charge chirurgicale qui ont été facteurs de perte de chance en cancérologie. Cette perte de chance a été surtout constatée pour les cancers digestifs, du fait des retards de la filière endoscopique.

De la sidération à la résilience

Pour la deuxième vague, à l’automne 2020, ce n’était plus de la sidération, mais de la résilience. Nous étions rodés aux mesures barrières, pour développer notre suivi par télémédecine. Il n’était plus question de retarder les diagnostics pour éviter toute perte de chance. Cependant nos mesures barrières n’ont cette fois pas été suffisantes pour éviter que le Covid-19 « rentre » dans l’un de nos services d’hospitalisation. Pendant trois semaines nous avons dû monter une unité Covid avec 11 patients cas Covid-19 et nous avons eu du personnel touché. Heureusement l’entraide avec les cliniques Elsan voisines et le Centre Hospitalier d’Avignon, nous a permis de rapidement surmonter cette situation critique.

Dès mi-décembre, notre bataille a été pour la vaccination des patients particulièrement immunodéprimés. Notre préoccupation était de leur assurer une protection le plus rapidement possible, quelle que soit leur tranche d’âge. Nous avons été entendus mi-janvier et, depuis février, nous vaccinons plus de 400 patients/mois. C’est une grande fierté pour notre équipe médicale qui dans ce cadre réalise une étude clinique de suivi post-vaccin Pfizer (réponse immunorale et cellulaire + bras de contrôle) avec la solution de Télé-monitoring et de recueil des données en vie réelle Thess.

La troisième vague d’avril 2021, avec les hôpitaux généraux et cliniques privées du Vaucluse, des bouches du Rhône et du Gard saturés, nous remet en forte tension avec un afflux en besoin d’hospitalisation pour complications des traitements cancérologiques supérieur à notre capacité réelle d’admissions. Cette situation nous montre l’importance de développer avec les outils modernes du numérique santé, une organisation de télémédecine pour réduire les hospitalisations des 800 patients en thérapie orale que nous suivons au quotidien.

La crise Covid-19 n’est pas finie en cancérologie, elle nous a poussés à trouver des organisations plus agiles, plus ville-hôpital, qui réduisent le recours à l’hospitalisation complète en prévenant plus efficacement les complications des traitements à domicile.

Soigner en réseau et en partenariat avec les biologistes, les pharmaciens, les médecins traitants et les infirmières libérales, en utilisant les outils modernes de télémédecine et de télé-dispensation des médicaments est plus que jamais essentiel.

* Président de l’Institut du Cancer Avignon Provence,
Directeur R&D de la solution de télémédecine et de télé dispensation des médicaments Thess.

Roland Sicard

Source : Le Quotidien du médecin