Tumeur du sein BRCA+ : un inhibiteur de PARP bénéfique en adjuvant

Par
Publié le 16/07/2021

L’étude Olympia, présentée en session plénière de l’ASCO marquera l’année 2021 en onco-sénologie (1,2). Un inhibiteur de PARP, l’olaparib, prescrit pendant un an dans les cancers du sein (CS) précoces BRCA mutés (BRCA+) et à haut risque, réduit de manière spectaculaire le risque de récidive et de métastases. Quels enseignements en retirer ? Explications de la Dr Suzette Delaloge, Gustave Roussy (Villejuif).

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Quelle était la cible de l’essai Olympia ?

Dr DELALOGE : L’étude a porté sur les tumeurs n’exprimant pas HER2 (HER2-), mais avec anomalie germinale BRCA1 ou BRCA2. Elle concernait des femmes jeunes (âge moyen de 42 ans), avec souvent une histoire familiale de cancers du sein ou de l’ovaire, et exposées à un risque de récidive élevé malgré la chimiothérapie (CT) adjuvante ou néoadjuvante.

Ainsi, les critères d’inclusions étaient : les CS triple négatifs (HER2- et hormonorésistant) avec envahissement ganglionnaire ou tumeurs d’au moins deux centimètres avant la CT (ou avec réponse incomplète en cas de CT néoadjuvante), les CS HER2- hormonosensibles avec au moins quatre nodules envahis avant la CT (ou sans réponse complète et score CPS + EG ≥ 3 après CT néoadjuvante). Les CS triple négatifs étaient de loin les plus nombreux (82 %). Les 1836 patientes, dont pratiquement autant étaient en situation adjuvante que néoadjuvante, ont été randomisées dans cette large étude de phase 3 pour revoir l’olaparib ou le placebo.

Que retenir de ces résultats très attendus ?

Peu de traitements ont eu un impact aussi fort dans le CS dans les 20 dernières années. On connaissait déjà l’intérêt de l’olaparib dans d’autres tumeurs avec mutations de la lignée germinale BRCA1 ou BRCA2. Il a d’ailleurs déjà l’AMM au stade métastatique, dans les tumeurs HER2- avec mutation BRCA1/2. C’est la premier fois qu’un inhibiteur de PARP obtient cette preuve de concept en traitement adjuvant pour la prévention des rechutes, et potentiellement sur le taux de guérison et l’espérance de vie.

Le suivi médian de 2,5 ans est relativement court mais très pertinent pour les CS triple négatifs. Chez les patientes pour lesquelles on a plus de recul, le bénéfice reste très présent.

Dans le bras olaparib, le risque d’évènements du critère primaire - récidive de CS invasif, de métastase ou de décès - est très significativement réduit de 42 % (p < 0,0001). A trois ans, la survie sans CS invasif, ni cancer secondaire, atteint 85,9 % des patientes traitées par olaparib versus 77,1 % sous placebo. Les résultats sur les critères secondaires vont dans le même sens, avec une amélioration significative de la survie sans maladie à distance (87,5 % versus 80,4 %, p < 0,0001), soit une réduction de 43 % du risque de métastases ou de décès.

En trois ans, pratiquement 9 % de femmes ont évité une rechute ou un nouveau cancer, un rapport bénéfice/risque très en faveur de l’olaparib chez ces femmes atteintes d’un CS très agressif.

Les décès étaient moins nombreux dans le bras olaparib (HR = 0,68, p = 0,024) mais le bénéfice en survie globale n’était pas significatif, le recul étant encore trop limité. Le suivi des patientes de l’essai permettra de continuer à l’évaluer.

Et concernant le profil de tolérance ?

Les effets indésirables sont ceux déjà notifiés dans les autres essais menés avec l’olaparib. Les plus fréquents sont les nausées (57 %), la fatigue (40 %), l'anémie (24 %) et les vomissements (22 %). Les nausées, la fatigue et les maux de tête surviennent surtout dans les premiers mois avant de disparaitre. Quant aux anomalies hématologiques comme l'anémie (9 %), la neutropénie (5 %) et la leucopénie (3 %), elles peuvent perdurer mais céder après l’adaptation des doses. Environ 10 % des patientes traités par olaparib ont interrompu leur traitement en raison d'événements indésirables, versus 4 % avec le placebo. Mais généralement la tolérance est correcte, sans différence entre les deux bras de l’étude concernant la qualité de vie globale.

Que va changer cette étude en pratique ?

Ces résultats nous incitent à proposer rapidement cette approche. La molécule étant déjà commercialisée en France, la démarche règlementaire devrait être plus rapide avec probablement au début un accès sous forme d’autorisation temporaire d’utilisation.

Cette étude souligne aussi l’importance d’identifier les mutations BRCA 1/2 chez les femmes atteintes d’un cancer localisé. On estime que 40 % des cancers localisés tireraient bénéfice d’un test génétique, sur le plan familial mais aussi individuel, en identifiant les marqueurs pertinents pour la stratégie thérapeutique. Mais on sait que les femmes ayant le profil de celles incluses dans l’étude ne sont pas toujours testées sur le plan génétique, et que vraisemblablement 25 à 30 % d’entre elles ne sont pas identifiées actuellement. Ce qui pose la question d’élargir les indications des tests génétiques au moment de la prise en charge initial, mais il faut déterminer sur quels critères… Sachant qu’en ciblant comme actuellement sur le profil des patientes, les antécédents familiaux et le type de cancer, la mutation n’est retrouvée que dans moins de 10 % des cas, un taux qui baisserait encore en élargissant les indications.

(1) Tutt A et al. session plénière ASCO 2021, abstract LBA1
(2) Tutt A.N.J. et al. Adjuvant Olaparib for Patients with BRCA1- or BRCA2-Mutated Breast Cancer. N Engl J Med 2021;384:2394-405; doi : 10.1056/NEJMoa2105215.

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin