Améliorer le parcours de soins de l’insuffisance cardiaque

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Publié le 29/04/2022
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Pathologie fréquente, sévère et coûteuse, l’insuffisance cardiaque est caractérisée par un parcours de soins complexe, émaillé par d’hospitalisations. Différentes mesures sont mises en place par l’Assurance maladie et les collèges professionnels pour améliorer la prise en charge.
Une campagne sera menée sur l’acronyme Epof : essoufflement, prise de poids, œdèmes des membres inférieurs et fatigue

Une campagne sera menée sur l’acronyme Epof : essoufflement, prise de poids, œdèmes des membres inférieurs et fatigue
Crédit photo : phanie

La prévalence de l’insuffisance cardiaque (IC) est globalement estimée à 2 à 3 %, mais elle croit avec l’âge et, après 85 ans, elle concernerait 20 % des hommes et près de 15 % des femmes. Il s’agit d’une pathologie sévère, responsable chaque année de 165 000 hospitalisations et 70 000 décès, a rappelé le Dr Philippe Tangre, médecin-conseil au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), lors d’une session sur le parcours de soins du patient IC, co-organisée par le Collège de médecine générale et la Cnam.

Après une hospitalisation pour un épisode d’IC aiguë, le taux de mortalité à 2 ans est de 40 %, comparable, donc, à celui de cancers de mauvais pronostic. Elle est rarement isolée : les patients présentent en moyenne de 2 à 6 comorbidités. Enfin, elle engendre d’importants coûts de santé, estimés à 3,1 milliards d’euros en 2019, pour 870 000 assurés concernés. Ce chiffre de l’Assurance-maladie ne reflète très probablement qu’une partie de la réalité puisque, dans son Livre blanc publié à l’automne 2021, la Société française de cardiologie estimait quant à elle le nombre de patients à 2 millions.

Deux grands phénotypes se dessinent, celui du patient géré en ambulatoire d’une part, et le patient hospitalisé et réhospitalisé d’autre part. Le parcours de soins est complexe, avec plusieurs étapes critiques identifiées. Tout d’abord, celle du diagnostic et de l’évaluation initiale avec, encore aujourd’hui, un certain retard au diagnostic, qui conduit l’Assurance-maladie à renouveler prochainement une campagne de communication, fondée sur l’acronyme Epof : Essoufflement, prise de poids, œdèmes des membres inférieurs et fatigue.

Après une hospitalisation

Deuxième étape cruciale : celle de l’hospitalisation et surtout de la sortie de l’hôpital, avec la mise en place du suivi en ville, l’optimisation du traitement médicamenteux et la prise en charge non médicamenteuse. L’objectif est alors de réduire le nombre de réhospitalisations potentiellement évitables. Dans ce cadre, l’Assurance-maladie met en place un nouvel outil de diagnostic territorial de l’IC, qui donne un état des lieux de la prise en charge de celle-ci dans un bassin géographique. Les données anonymisées permettent de visualiser la demande de soins, par rapport à l’offre, ainsi que la trajectoire de soins des patients à l’échelle d’une région, d’un département, d’un Établissement public de coopération intercommunale (Epci) ou encore d’une Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS).

Comme l’a indiqué le Dr Philippe Tangre, l’objectif est de permettre aux acteurs de soins de premier et second recours investis dans la prise en charge des patients IC de mieux caractériser la population ciblée, d’objectiver les points critiques du parcours de soins et de renforcer la synergie et la coopération autour du patient. Cet outil se veut un élément facilitateur de la maturation de projets de coordination, de mise en place de circuits d’interface courts et rapides. Les premiers retours semblent très positifs.

Des préconisations d’adressage

Dans un contexte de baisse des effectifs des cardiologues (6 388 en 2021, 5 758 attendus en 2027), l’adressage des patients en ambulatoire est un enjeu majeur, qui a conduit les Collèges nationaux professionnels de cardiologie et de médecine générale à mener un travail collaboratif, afin de rédiger des préconisations d’adressage, qui suivent, en les adaptant à la réalité du terrain, les recommandations des sociétés savantes.

Le concept est d’utiliser à bon escient les ressources, qui sont en baisse alors que la demande va croissant, ce qui passe par une priorisation des patients : adresser au cardiologue dans des délais très brefs (dans les 24 à 48 heures ou dans les 48 à 72 heures selon les signes présentés) ceux chez lesquels un avis à très court terme est indispensable et espacer les consultations chez le spécialiste pour les patients moins sévères. L’intérêt de ce regard croisé entre généralistes et cardiologues a bien été souligné par les Drs Julie Chastang, médecin généraliste à Champigny-sur-Marne, et Marc Villaceque, cardiologue à Nîmes, conscients que les difficultés pour avoir un avis spécialisé en urgence constituent une perte de chance, un motif de renoncement aux soins pour les patients… et de stress pour les médecins.

L’optimisation du recours au spécialiste par ce type d’approche concerne bien sûr l’IC, mais aussi d’autres pathologies cardiovasculaires fréquentes, telles que la fibrillation atriale ou le syndrome coronarien chronique.

Exergue : Après une hospitalisation pour un épisode aigu, le taux de mortalité à 2 ans est comparable à celui des cancers de mauvais pronostic

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin