Quelles options thérapeutiques dans l’IC-FEP ?

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Publié le 26/11/2021
L’insuffisance cardiaque à fonction d’éjection préservée (IC-FEP) est restée longtemps orpheline de traitements efficaces jusqu’à l’arrivée des gliflozines, qui pour la première fois permettent de réduire la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (IC), tout en améliorant la qualité de vie. L'AHA pourrait suivre la voie de la Société européenne de cardiologie (ESC) qui avait émis ses recommandations sur l’IC-FEP en août 2021.
Dès 12 semaines, la symptomatologie a été améliorée  sous empagliflozine

Dès 12 semaines, la symptomatologie a été améliorée sous empagliflozine
Crédit photo : phanie

La dénomination de cette entité pathologique a évolué depuis le terme initial d’IC diastolique. On parle actuellement d’IC-FEP, soit une IC avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) > 40 %. Lors du dernier congrès de l’ESC, cette définition a été complétée par la notion d’IC à fraction d’éjection modérément réduite (IC-FEmR, avec une FEVG entre 41 et 49 %), qui a remplacé le terme d’IC à FEVG intermédiaire. Cette modification veut insister sur le fait qu’il existe, dans ce cas, un certain niveau de baisse de la FEVG, ce qui doit permettre d’envisager les mêmes traitements que dans l’IC-FEP. 

Une réponse thérapeutique sexuée !

La prise en charge est d’autant plus complexe qu’il semble que l’efficacité diffère selon le sexe. Selon les analyses post-hoc de nombreux essais, les traitements conventionnels de l’IC à fonction d’éjection réduite (IC-FER) - comme les sartans, les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARM) et le sacubitril/valsartan - ont un effet différent selon le sexe. En effet, ils sont bénéfiques chez la femme à un niveau de FEVG supérieur à celui des hommes : jusque 55 à 60 % chez les femmes contre 50 % chez les hommes. « Ce qui pourrait avoir des conséquences pour la pratique clinique, car l’IC-FEP et l’IC-FEmR sont les phénotypes prédominants chez les femmes. Il semble aussi licite d’élargir les indications de ces traitements, actuellement préconisés dans les FEVG < 50 % aux FEVG ≤ 55 % chez les hommes et ≤ 60 % chez les femmes, explique la Pr Carolyn Lam (Singapour). On pourrait même envisager comme seuil pour la définition de l’IC-FER une FEVG à 50 % et non plus à 40 % ». 

Des recommandations novatrices

Les recommandations 2021 de l’ESC ont pour la première fois émis des propositions thérapeutiques dans les IC-FEmR, avec une indication de classe I niveau C pour les diurétiques en cas de signes congestifs et de classe IIb niveau C pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion/sartans, les bétabloquants, les ARM et le sacubitril/valsartan. De même pour l’IC-FEP, seuls les diurétiques ont une recommandation de classe I face à une IC congestive. Tout comme la recherche et la prise en charge de toutes les comorbidités cardiovasculaires ou non (fibrillation atriale [FA], coronaropathie, diabète, amylose, cardiomyopathie hypertrophique, sarcoïdose, valvulopathies, myocardite, prise de toxiques médicamenteux ou récréatifs…). 

Une qualité de vie améliorée sous gliflozines

Les gliflozines pourraient rebattre les cartes dans l’IC-FEP. Présentée au congrès de l’ESC, l’étude EMPEROR-Preserved a montré, dans une population d’insuffisants cardiaques avec FEVG > 40 %, que l’empagliflozine réduisait de 21 % (p < 0,001) les évènements du critère principal (décès CV ou hospitalisation pour IC) chez tous les participants, diabétiques ou non. Ce bénéfice était largement dû à la baisse des hospitalisations pour IC. Les patients inclus dans l’essai étaient identiques à ceux rencontrés en pratique quotidienne, car atteints de multiples comorbidités : cardiopathies ischémiques (36 %), FA (50 %), diabète (50 %) et hypertension artérielle (90 %). Une analyse de EMPEROR-Preserved, portant sur la qualité de vie, a été présentée lors du congrès de l’AHA. Il s’agissait d’évaluer l'efficacité de l'empagliflozine sur la qualité de vie, généralement significativement altérée, des patients atteints d’IC-FEP. L’objectif était également d’étudier une éventuelle relation entre le bénéfice clinique observé avec l'empagliflozine et l'état de santé initial. La qualité de vie, mesurée par le questionnaire « Kansas City Cardiomyopathy », a été significativement améliorée dès la 12e semaine, ainsi que le score total des symptômes et le score récapitulatif global. L’effet s’est maintenu au moins un an. De plus, le bénéfice sur la réduction du risque de décès d'origine cardiovasculaire ou d'hospitalisation pour IC était cohérent quels que soient les scores de qualité de vie initiaux. « C’est la première fois qu’une étude à large échelle met en évidence une réduction des évènements et une amélioration de la qualité de vie et de la symptomatologie dans une cohorte de patients atteints d’IC-FEP », se félicitait le Pr Stefan Anker (Allemagne). « Si son indication est approuvée, l’empagliflozine opérerait une véritable révolution en s’affirmant comme l’unique traitement à l’heure actuelle pouvant améliorer les IC à fonction systolique préservée », concluait la Pr Lam.

D’après les sessions « Drug Treatment of HFPEF: What are the Options? » et « Empagliflozin In Heart Failure With A Preserved Ejection Fraction ≥ 50 % - Results From The EMPEROR-Preserved Clinical Trial », LBS.05

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin