Il faut sortir de la superposition des programmes

L’éducation thérapeutique face à la polypathologie

Publié le 24/04/2020
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Les patients sont souvent atteints de plusieurs maladies chroniques. Conjuguer les programmes d’éducation thérapeutique relatifs à chaque pathologie est indispensable pour mieux répondre à leurs besoins.
La difficulté est de garder une cohérence de la prise en charge

La difficulté est de garder une cohérence de la prise en charge
Crédit photo : phanie

La maladie chronique est rarement isolée chez une personne. La majorité des patients, d’autant plus qu’ils avancent en âge, doivent vivre et faire face à plusieurs pathologies. Nous entendons ici comme polypathologie l’association d’au moins deux maladies chroniques chez une personne. Dans une étude datant de 2012, la MSA a pu constater, par exemple, que 43,8 % des patients diabétiques souffraient également d’une maladie cardiovasculaire, de même que 47,8 % des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

Il est maintenant bien établi que l’éducation thérapeutique du patient (ETP) est indissociable de la prise en charge des maladies chroniques. Mais, comme l’ensemble du système de soins, la plupart des programmes d’ETP sont conçus en fonction d’une seule pathologie. L’ETP dans la polypathologie est alors l’addition des programmes correspondant à chaque maladie. Cela conduit à une fragmentation du soin, à des messages contradictoires et finalement peut s’avérer contre-productif.

Il est nécessaire de faire bénéficier aux patients porteurs de polypathologies d’une ETP adaptée. La difficulté consiste à identifier, dans l’ensemble des apprentissages à proposer au patient, les priorités éducatives à privilégier en fonction des différentes pathologies et à organiser et réaliser les séances éducatives correspondantes en gardant une cohérence de la prise en charge.

À la recherche du modèle adapté

La littérature internationale n’est pas riche en publications concernant l’ETP dans la polypathologie. Ces études montrent un effet faible de ces interventions éducatives sur les critères cliniques. Les bénéfices sont limités essentiellement à l’activité physique et à l’alimentation, et pour certaines au handicap fonctionnel (la prévention des chutes) et aux domaines considérés comme difficiles par les patients (adhésion au soin, gestion des médicaments). La question que nous sommes en droit de nous poser est celle du modèle pédagogique sous-tendant l’intervention – en général peu ou pas décrit dans les publications.

De fait, aujourd’hui, il n’existe pas de modèle pour l’ETP dans la polypathologie. Le laboratoire éducation et pratiques de santé de l’université Paris 13 en propose un, où les compétences éducatives sont scindées en deux : d’une part les compétences d’autosoin ou d’adaptation spécifiques à une pathologie, comme présentés dans les programmes mono-pathologies ; d’autre part les compétences d’autosoin ou d’adaptation transversales concernant la vie quotidienne, sans être spécifiques d’une maladie : nutrition, activité physique, compréhension du traitement, utilisation du système de soin et de ses ressources, l’entourage, maintien des activités sociales.

Il faut savoir aller au-delà des besoins emblématiques d’une maladie, vers un parcours éducatif personnalisé centré sur le patient et ses besoins propres. Cette approche conduit à adapter la conception des programmes. Le diagnostic éducatif va explorer plusieurs dimensions : connaissance et compréhension des maladies, de leur accumulation et de leur intrication mutuelle ; compréhension des différents traitements ; priorisation effectuée par le patient entre ses différentes maladies et pourquoi, vécu (image de soi, atteinte de la vie affective, familiale et sociale).

Vont être développées des activités éducatives communes aux différentes pathologies et d’autres spécifiques à chacune d’elles. Il est important de permettre aux patients d’appréhender ce qui est transversal à toutes les maladies et spécifique à chacune d’entre elles, de leur apprendre à prioriser de façon cohérente leurs différentes maladies, faire des liens et avoir une vision globale. Comme en mono-pathologie, une évaluation régulière de l’acquisition des compétences, de l’émergence de nouveaux besoins éducatifs, des freins et des ressources sera mise en place.

Ce modèle a été expérimenté et semble pouvoir apporter une réponse aux besoins des patients polypathologiques. Les patients sont confortés sur leurs possibilités de maîtriser les compétences indispensables à la gestion plurielle de leurs problèmes de santé et d’exprimer leurs choix éclairés.

Exergue : « Il est important de permettre aux patients d’appréhender ce qui est transversal à toutes les maladies et spécifique à chacune d’entre elles »

Hôpital Cochin, Paris

Crozet C et al. Educ Ther Patient 2017, 9, 10107Phillips J et al. Educ Ther Patient 2015, 7, 20402

Helen Mosnier-Pudar

Source : Le Quotidien du médecin