Quand la ménopause rencontre le diabète

Publié le 15/03/2024
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La prise en charge de la ménopause chez la femme diabétique présente quelques spécificités, liées au risque cardiovasculaire et osseux.

L’insulinorésistance augmente tandis que la dépense énergétique diminue

L’insulinorésistance augmente tandis que la dépense énergétique diminue
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

La ménopause est un processus physiologique qui entraîne la chute des œstrogènes plasmatiques, responsable de manifestations cliniques parfois invalidantes, regroupées sous le terme de syndrome climatérique, associées, dans la moitié des cas, à un syndrome génito-urinaire de la ménopause (Sgum), mais aussi à une perte de masse osseuse favorisant l’ostéoporose. Elle s’accompagne également de modifications de la composition corporelle et du métabolisme.

Les femmes vivant avec un diabète sont tout autant concernées. Le traitement hormonal de la ménopause (THM), très largement prescrit jusqu’aux années 2000, l’est beaucoup moins dans la plus population générale, et encore moins chez les femmes vivant avec un diabète.

Une mise en place similaire

L’âge de la ménopause a longtemps été considéré comme plus précoce chez les femmes vivant avec un diabète de type 1 (DT1). Mais des études contradictoires ne confirment pas cette notion, sauf peut-être chez des femmes dont le diabète a été diagnostiqué tôt dans l’enfance.

Cliniquement, l’expression de la ménopause est la même chez les femmes vivant avec un diabète. Il faut avoir une attention particulière sur les bouffées de chaleur, qui nécessitent d’être différenciées des hypoglycémies. Plus qu’une prise de poids, apparaît une augmentation de la graisse sous-cutanée abdominale, avec une hausse de l’insulinorésistance, et une diminution de la dépense énergétique.

Dans la population non diabétique, plus la ménopause arrive tôt, plus le risque de diabète augmente. Ainsi, dans la Rotterdam Study, le risque relatif d’avoir un diabète est multiplié par trois si la ménopause intervient avant 40 ans.

Parallèlement, le profil lipidique après la ménopause est aussi plus athérogène, avec une élévation du cholestérol LDL et de l’apo-B. Elle s’accompagne d’une augmentation du risque cardiovasculaire alors que les femmes, jusque-là, sont en général protégées.

Efficacité du THM

Le THM est, de loin, le traitement le plus efficace du syndrome climatérique, améliorant considérablement les symptômes et la qualité de vie. C’est aussi le meilleur traitement pour la prévention des fractures ostéoporotiques (- 35 % dans l’étude WHI), sachant que celles-ci sont plus fréquentes dans la population diabétique.

Les fractures sont plus fréquentes chez les patientes diabétiques

 

Sur le plan métabolique, le THM a montré qu’il était efficace en prévention du diabète de type 2, diminuant le risque de 20 à 30 % selon les études. Une vaste méta-analyse portant sur plus de 107 études versus placebo a confirmé ses effets métaboliques favorables sur la réduction de l’insulinorésistance, du tissu adipeux, du rapport LDLc/HDLc.

Dans la population diabétique, d’un effectif moindre dans les études, le THM, essentiellement par voie orale, a montré une diminution de l’index d’insulinorésistance Homa-R, et de la glycémie à jeun.

Il existe dans la littérature de nombreux arguments en faveur d’une protection cardiovasculaire sous THM, que ce soient des études observationnelles, des données animales ou des études in vitro. C’est dans ce contexte que le traitement hormonal de la ménopause avait été largement préconisé. Mais deux grands essais ont modifié les pratiques : l’étude Hers, de prévention secondaire, qui a montré une augmentation du risque de refaire un événement coronarien chez les patientes traitées ; puis WHI, en prévention primaire, qui a retrouvé une augmentation du risque d’événement coronarien sous l’association œstrogènes conjugués équins per os et progestatif.

L’analyse post-hoc de WHI montre cependant que la prescription des œstrogènes sur une population choisie de femmes, entre 50 et 59 ans, à moins de dix ans de leur ménopause, peut être bénéfique, y compris sur le plan cardiovasculaire.

Place de la prévention

Les recommandations récentes ont permis de réhabiliter le THM en population générale. Il est tout à fait possible de le prescrire dans le cadre du diabète, à condition que la patiente ait moins de 60 ans, soit à moins de six ou dix ans post-ménopause, sans risque cardiovasculaire sévère et, bien sûr, sans contre-indication au THM.

L’utilisation des œstrogènes locaux, du THM éventuellement, d’alternatives est à discuter avec la patiente : dans tous les cas, l’approche doit être personnalisée.

Les mesures générales sont toujours de mise : augmentation de l’activité physique, apport nutritionnel suffisant en calcium, vitamine D, protéines, et exclusion du tabac. Il ne faut pas oublier la prévention osseuse, du fait du surrisque de fracture chez les patientes diabétiques, ainsi que les examens de suivi habituels, en particulier pour les cancers gynécologiques.

Pr Véronique Kerlan, cheffe du service d’endocrinologie, diabétologie du CHU de Brest, université de Bretagne-Occidentale

Source : Le Quotidien du Médecin