Article réservé aux abonnés
Dossier

JFHOD 2022

MICI, cancer du côlon…, la gastro à l’heure de l’allègement thérapeutique

Par Hélène Joubert - Publié le 19/04/2022

Fenêtres thérapeutiques dans les MICI, arrêt plus précoce de certaines chimiothérapies neurotoxiques dans le cancer du côlon ou encore endoscopie métabolique plutôt que chirurgie… De plus en plus, les gastro-entérologues se préoccupent de décroissance thérapeutique. Une tendance dont s’est fait écho le récent congrès français de la discipline (JFHOD, Paris, 17-20 mars 2022).

Asthme, VIH, cancer… Pour de nombreuses maladies chroniques où les traitements au long cours exposent à des risques non négligeables et à une lourde charge mentale, la tendance est à la désescalade thérapeutique. Le phénomène touche également l’hépato-gastro-entérologie, comme en témoignent deux études de décroissance thérapeutique présentées aux Journées francophones d’hépato-­gastro-entérologie et d’oncologie digestive (JFHOD, 17-20 mars 2022).

Maladie de Crohn : des données rassurantes pour lever le pied sur l’infliximab

La première a testé la possibilité de réaliser des pauses d’infliximab (IFX) chez des patients atteints de la maladie de Crohn en rémission prolongée sous traitement combiné par infliximab-­antimétabolite (azathioprine, principalement) sans corticoïdes. Cette question est d’importance car le standard dans la maladie de Crohn modérée à sévère, à savoir le traitement combiné infliximab-antimétabolite (thiopurines ou méthotrexate) et ses conséquences possibles à long terme posent question. La réponse positive apportée par l’essai international Spare, coordonné par le Groupe d’étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif (Getaid), permet dès maintenant d’envisager cet allègement thérapeutique.

« À deux ans, dans le bras arrêt de l’IFX, 60 % des patients n’avaient pas rechuté en dépit d’un traitement allégé », rapporte le Pr Édouard Louis, gastro-entérologue au CHU de Liège et investigateur principal. Et si l’arrêt de l’IFX était associé à un taux de rechute (40 %) plus élevé qu’avec la poursuite de la combinaison thérapeutique, la reprise du traitement par IFX permettait d’obtenir en quelques jours une nouvelle rémission pour la quasi-totalité (95 %) des patients en rechute. Quant aux taux d’échecs thérapeutiques secondaires (complications, rémission non maintenue), ils étaient similaires dans les trois bras. Finalement, le temps passé en rémission sur la période de deux ans était très proche dans les trois bras, avec un différentiel minime de six jours.

« Cet essai ouvre la porte à des allègements thérapeutiques et nous permet de discuter de manière rassurante d’un arrêt de l’anti-­TNF chez les patients qui en font la demande, souvent des malades jeunes, se réjouit le Pr David Laharie, gastro-entérologue au CHU de Bordeaux et co-auteur de l’étude. Leur épargner, au moins temporairement, la contrainte des thérapeutiques et leurs effets secondaires potentiels donne du sens à la question de l’allègement thérapeutique, sans leur faire courir de risque. »

Cancer du côlon : des cures d’oxaliplatine plus courtes ?

La seconde étude concerne le cancer colique. La neurotoxicité cumulative de l’oxaliplatine, recommandée dans le cancer du côlon de phase 3 avec envahissement ganglionnaire à haut risque sous forme d’une chimiothérapie Folfox (5 fluoro-uracile et oxaliplatine) ou Capox (capecitabine et oxaliplatine), se manifeste par des neuropathies potentiellement sévères, invalidantes et irréversibles. Ces chimiothérapies adjuvantes doivent être administrées sur une durée de six mois post-chirurgie, ce qui réduit le risque de récidive de 50 à 25 %. Au cours de ce schéma de 12 cycles, les neuropathies surviennent le plus souvent entre le 6e et le 12e cycle.

L’arrêt de l’oxaliplatine, préconisé en cas de neuropathie de grade 2 ou plus, pourrait-il aussi s’appliquer dans les cas moins graves ? Pour le Dr Claire Gallois (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris), membre de l’équipe qui a dirigé l’étude sur 10 447 patients (analyse poolée de 11 essais), les résultats montrent « que l’on peut stopper l’oxaliplatine au-delà de six cycles de traitement (trois mois), en cas de neuropathie (y compris de grade 1), et ceci sans impact sur la survie sans récidive à trois ans (77,2 % contre 78,3 %), ni sur la survie globale à cinq ans (83 % contre 84 %). » Si cela ne permet pas de valider dès maintenant l’arrêt systématique de l’oxaliplatine après trois mois de bithérapie, cela autorise néanmoins à rassurer les patients sur la sécurité et l’absence de perte de chance en cas d’arrêt précoce pour toxicité.