À l'occasion des États généraux de la bioéthique, le CCNE a auditionné plus d'une trentaine de sociétés savantes.
Le monde de la procréation est favorable à l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes, en l'absence d'arguments scientifiques pour s'y opposer, lit-on dans les textes du groupe d'étude de la Fécondation in vitro en France (GEFF), de la société de médecine de reproduction, de la société française de gynécologie ou encore du collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). En revanche, les Centres d'Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme humain (CECOS) et la Fédération Nationale des BLEFCO (Biologistes des Laboratoires d'Étude de la Fécondation et de la Conservation de l'œuf) sont plus réservés sur l'ouverture de l'AMP aux femmes seules.
L'accès à l'autoconservation ovocytaire en dehors des indications médicales fait largement consensus pour prévenir la baisse de la fertilité. Plus de 85 % des membres des BLEFCO plaident pour autoriser cette autoconservation qu'ils préfèrent nommer « préventive » (plutôt que sociétale) sans qu'il s'agisse pour autant de l'encourager. Consensus il y a aussi sur l'intérêt de fixer des limites d'âge, la nécessité d'ouvrir cette activité ainsi que celle du don aux centres d'AMP privés et le besoin de mieux informer la société sur la fertilité.
Pour encourager les dons de gamètes, les sociétés savantes proposent d'autoriser le double don et de mieux valoriser le donneur (sans sortir du principe de la gratuité). La Fédération des CECOS demande la mise en place d'un registre national des donneurs de gamètes, indépendant des centres.
En revanche, l'anonymat des donneurs divise. Son questionnement est inévitable, selon le CNGOF, au vu des évolutions techniques (banques d'ADN), éthiques (fin du paternalisme médical, transparence), familiales, etc. Les CECOS avancent l'idée d'une transmission des données non identifiantes du donneur (avec son accord) aux parents ou à l'enfant ; une position médiane que rejette le groupe d'étude sur le don d'ovocyte, qui préfère garder l'anonymat comme référence, avec la possibilité pour le législateur d'ouvrir la porte au don non anonyme pour répondre à des demandes ponctuelles.
L'AMP post mortem interroge : le CNGOF prône son autorisation sous conditions, tandis que les CECOS ou le comité d'éthique de l'Académie de médecine s'y opposent.
Le CNGOF et la société française de gynécologie sont les seules à demander l'ouverture d'un débat sur la GPA, celle-ci pouvant être éthique lorsqu'une femme accueille l'embryon d'un autre couple dont la femme possède des ovaires mais pas d'utérus.
Développer les recherches en génétique
Le monde de la reproduction plaide unanimement pour l'autorisation du diagnostic pré-implantatoire des aneuploïdies (DPI-A) pour augmenter les chances d'implantation de l'embryon et réduire les risques de fausses couches.
Plusieurs voix s'élèvent (dont l'Académie des sciences) pour ouvrir le dépistage préconceptionnel tout en l'encadrant (la Fédération française de génétique humaine -FFGH- appelle à la vigilance), développer les recherches sur le dépistage prénatal non invasif, et étendre le nombre de maladies dépistées en néonatal (5 en France, contre 32 en Autriche, note le LEEM). « Pour certaines maladies, de nouvelles thérapeutiques montrent une plus grande efficacité lorsqu’elles sont appliquées avant l’apparition des symptômes » souligne l'AFM Téléthon.
L'AFM Téléthon
Plus largement, les attentes des acteurs de la génétique portent sur la reconnaissance des conseillers en génétique, sur l'accès aux caractéristiques génétiques en post-mortem (réclamé par France médecine génomique 2025 et la FFGH), l'adaptation du consentement aux nouvelles techniques, ou encore sur la révision de la loi d'information à la parentèle.
La recherche des données secondaires (problème apparu avec les analyses pangénomiques) divise les généticiens ; mais ils font bloc pour décrier l'autorisation des tests génétiques d'accès direct.
Faciliter la recherche sur les cellules souches embryonnaires
L'Académie des sciences, la Société française de recherche sur les cellules-souches (FSSCR), la fédération des CECOS ou le LEEM se rejoignent sur les pistes pour faciliter la recherche sur les cellules souches embryonnaires (CSEh). À commencer par l'exclusion de ces recherches du périmètre de la loi sur la recherche sur l'embryon, et la suppression d'une autorisation spécifique pour travailler sur des lignées de CSE déjà dérivées.
Ils demandent de faire tomber la nécessité de démontrer qu'une recherche sur les CSEh ne peut être menée avec une autre méthode, rappelant que les cellules pluripotentes induites (IPS) ne sont pas des alternatives.
Enfin, la FSSCR demande que la nouvelle loi ouvre la porte aux technologies émergentes en vue de la fabrication de pseudo-embryons en fournissant un cadre très général, et en confiant à l'ABM le soin de vérifier que les lignes rouges éthiques ne sont pas franchies.
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