Maladies rares : des pistes pour dépasser les limites de la thérapie génique

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Publié le 11/12/2023
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Alors que la 37e édition du Téléthon, ces 8 et 9 décembre, s'est conclue par une cagnotte record de 80 671 222 euros de promesses de don, les chercheurs ont rappelé, à l'occasion d'une conférence de presse en amont de l'évènement, que tous les patients atteints de maladies génétiques rares ne peuvent bénéficier des thérapies géniques élaborées.

C'est notamment le cas dans le syndrome de Crigler-Najjar (1). En moyenne 40 % de la population possède en effet des anticorps préexistants ciblés contre les vecteurs de transfert de gènes utilisés, notamment contre les virus adéno-associés (AAV).

« En thérapie génique, pour transporter le gène, nous utilisons la partie extérieure d’un virus, nommée capside. Or, ce virus infecte naturellement l’homme sans être associé à des pathologies reconnues, mais entraînant le développement d’anticorps qui réagissent également à la capside », décrit Giuseppe Ronzitti, responsable de l’équipe Immunologie et thérapie génique des maladies du foie de Généthon.

Les anticorps neutralisants sécrétés par les personnes immunisées détruisent alors les vecteurs, les empêchant d’être efficaces. « Nous pourrions utiliser un autre vecteur pour transporter également le gène. Les patients peuvent être séronégatifs pour un vecteur et séropositifs pour un autre. Mais on parle alors de deux produits différents ce qui signifie doubler les coûts. Or, la contrainte, et surtout quand on s'intéresse aux maladies rares, ce sont les sous, déplore Guiseppe Ronzitti. Pour limiter les coûts, nous devons rester sur le même transporteur mais trouver des méthodes pour éviter ces anticorps. »

Une enzyme bactérienne pour diminuer l'immunité des patients

Le chercheur travaille spécifiquement sur la maladie de Crigler-Najjar. « Une piste envisagée est l’utilisation d’un médicament dérivé d’une enzyme bactérienne, déjà utilisée dans le cadre de transplantation rénale, qui dégrade les immunoglobulines G (IgG), permettant ainsi d’obtenir une fenêtre de tir, sans anticorps circulants, où nous pourrons injecter le vecteur », explique-t-il.

Son équipe de recherche lancera prochainement (il espère en 2024) un essai clinique pour évaluer la sécurité et l'efficacité de cette enzyme, l'imlifidase, comme prétraitement au candidat-médicament de thérapie génique, dans le syndrome de Crigler-Najjar, chez les patients présentant des anticorps neutralisants préexistants. Si cette méthode fonctionne dans le cadre de cette maladie, son protocole devrait être transposable à n'importe quelle thérapie génique. Frédéric Revah, directeur de Genethon, assure : « L’objectif est de ne laisser personne au bord du chemin ».

La question d'une potentielle réinjection

De la même façon, l’injection d’un produit de thérapie génique dans l’organisme entraîne une réponse immunitaire qui pourrait empêcher une réadministration efficace du produit. « Aujourd’hui, on dispose de 20 ans de recul sur la thérapie génique. La longévité des effets a été observée chez les patients. Par exemple, l’effet du traitement pour l'amyotrophie spinale est stable depuis sept ans. Mais, est-ce que ce sera le cas pour tous ? », questionne Frédéric Revah, qui insiste sur l'importance de travailler sur différentes façons de diminuer la réponse immunitaire d’un organisme exposé à un vecteur de thérapie génique.

« La réinjection est un enjeu particulièrement important pour nous, abonde Giuseppe Ronzitti. Le challenge est plus élevé qu'avec les anticorps préexistants. » En effet, même si la cible est la même (les anticorps contre la capside), les niveaux d’anticorps formés après l’injection du vecteur sont bien plus élevés que les niveaux à la suite d'une infection naturelle. Un défi supplémentaire.

(1) Maladie métabolique héréditaire ultrarare qui provoque un déficit d’une enzyme du foie, normalement responsable de l’élimination de la bilirubine


Source : lequotidiendumedecin.fr