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Dossier

Infogyn 2022

Cancer du sein, quelles spécificités avant 40 ans ?

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 21/11/2022
Cancer du sein, quelles spécificités avant 40 ans ?


GARO/ PHANIE

Le congrès Infogyn réunit chaque année, à Pau, plusieurs sociétés savantes autour de la gynécologie. L’édition 2022, qui s’est tenue du 6 au 8 octobre, a été l’occasion de s’intéresser notamment à certaines pathologies de la femme jeune, comme le cancer du sein avant 40 ans, dont les spécificités sont de mieux en mieux connues, et l’endométriose, qui pourrait bénéficier de quelques avancées.

 

Avec 3 000 nouveaux cas par an, l’incidence des cancers du sein augmente chez les femmes de moins de 40 ans.

Un constat d’autant plus inquiétant que l’élévation de l’incidence se fait davantage aux dépens des cancers infiltrants et surtout des tumeurs métastasées d’emblée. D’où un moins bon pronostic que chez les femmes plus âgées. Si on compare les stades chez les femmes de moins de 40 ans à la tranche 40-50 ans, il y a plus de stades 2 (44 vs 29 %) et le double de stades 3 (14 vs 7 %). On relève aussi davantage de HER2 surexprimés et de cancers triple négatif (TN).

Dans une étude comparant le pronostic en fonction de l’âge, la survie était d’autant moins bonne que les femmes étaient plus jeunes, mais ce uniquement pour les patientes de moins de 35 ans ayant des récepteurs hormonaux (RH +). Une étude danoise confirme que le pronostic est plus mauvais chez les femmes jeunes mais qu’il est meilleur si elles ont reçu une chimiothérapie adjuvante.

Des facteurs de risque plutôt classiques

Par ailleurs, « chez les femmes les plus jeunes, les mutations génétiques sont plus fréquentes, 37 % en cas d’antécédents familiaux, 6 % en leur absence, indique le Dr Marc Espié (hôpital Saint-Louis, Paris). La probabilité d’une mutation BRCA est d’autant plus fréquente que les femmes sont jeunes et que les tumeurs sont RE- et de haut grade. Il est recommandé de demander une consultation d’oncogénétique pour un cancer du sein survenant avant 30 ans ou avant 50 ans en cas de tumeur triple négatif. »

Les facteurs de risque ne diffèrent guère de ceux des femmes plus âgées. On retrouve l’effet protecteur des grossesses nombreuses et de l’allaitement et le rôle délétère d’une grossesse tardive (après 30 ans) ou de premières règles précoces, mais le risque associé à la grossesse est à moduler. La grossesse augmente le risque de cancer du sein à court terme, le diminue sur le long terme pour les tumeurs RH + mais pas pour les cancers TN. L’allaitement protégerait surtout pour les TN et les mutations BRCA. À noter, un plus mauvais pronostic des cancers survenant juste après une grossesse du fait de l’involution mammaire après l’accouchement.

La contraception hormonale n’entraîne globalement pas de surrisque de cancer du sein. Une méta-analyse en Suède retrouve un risque accru uniquement avec la contraception progestative seule et avec le dispositif intra-­utérin au lévonorgestrel, mais dans les cinq premières années de prise.

En ce qui concerne le poids, on constate dans la plupart des études un excès de cancers du sein chez les femmes minces, effet d’autant plus marqué avant 35 ans. Paradoxalement, si l’IMC élevé avant la ménopause est protecteur, surtout pour les RH + et RH-, le risque de cancer du sein augmente si l’IMC est élevé après la ménopause ! De façon similaire, la forte consommation d’alcool n’est pas associée à un surrisque avant la ménopause mais le devient ensuite. L’activité physique réduit le risque, que ce soit avant ou après la ménopause.

L’irradiation pour maladie de Hodgkin constitue un risque majeur de tumeur mammaire précoce en cas d’irradiation au moment de la puberté, qui multiplie la probabilité de cancer du sein par plus de cinq. Le risque débute dans les 5 à 10 ans après l’irradiation, avec un pic entre 15 et 20 ans ; la surveillance doit être mise en place 8 ans après la fin de la radiothérapie, selon les mêmes modalités qu’en cas de mutation BRCA. Il existe aussi une augmentation du risque en cas de cancers dans l’enfance non traités par radiothérapie, avec en particulier un effet dose pour celles qui ont reçu des alkylants ou des anthracyclines.

Une imagerie plus complexe

Le délai de diagnostic chez les femmes jeunes est augmenté dans un quart des cas, lié à une suspicion diagnostique plus faible, des erreurs de diagnostic initiales (confusion avec un adénofibrome ou un hématome) ou en cas de grossesse. « La mammographie est l’examen de première intention mais se révèle moins performante du fait de la densité mammaire élevée. La tomosynthèse ne se discute pas chez les femmes ayant un variant pathogène mais, pour certaines équipes, elle n’a pas d’indication avant 35-40 ans », explique le Dr Martine Boisserie-­Lacroix (Institut Bergonié, Bordeaux).

L’IRM est plus sensible que la mammographie pour préciser la taille tumorale, détecter d’autres lésions homo- ou controlatérales. En vérification (ou « second look »), elle permet d’éliminer les faux positifs et donc de limiter l’anxiété mais à condition de pouvoir être réalisée dans un délai inférieur à un mois. En cas de mutation pathogène, l’IRM est l’examen de première intention de 30 à 65 ans, suivi de la mammographie puis de l’échographie.