La contraception sur mesure

Publié le 19/11/2021
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De nombreuses présentations du congrès ont été consacrées à la contraception : si les pilules sont toujours mal-aimées, plusieurs nouveautés ont été présentées. Par ailleurs, la prise en charge de cas particuliers, mais fréquents, a été détaillée.
L’interrogatoire est primordial

L’interrogatoire est primordial
Crédit photo : phanie

La « crise des pilules » continue de laisser des traces : l’utilisation d’une contraception œstroprogestative (COP) a baissé de 29 % entre 2011 et 2018 en France (Gers), tandis que les pilules progestatives pures (POP) ont bondi de 71 % et les stérilets au cuivre de 53 %. En cause, le surrisque cardiovasculaire des COP, ce qui a fait rappeler l’importance de l’interrogatoire pour le respect des contre-indications avant la prescription d’une contraception. Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès des femmes, sept fois plus que le cancer du sein. Il faut rechercher tabagisme, faible activité physique, alcoolisme, obésité, diabète de type 2, mais aussi antécédents de toxémie gravidique et d’éclampsie.

 

Le choix de l’œstrogène

La majorité des COP sur le marché associent l’éthinylestradiol (EE2) à un progestatif que l’on a pris, à tort, l’habitude de classer en quatre générations. Toutes peuvent être responsables d’accidents thromboemboliques veineux (TEV), rares mais graves. Le risque dépend du progestatif mais aussi de la dose d’EE2.

Depuis la révélation de ce risque, deux pilules ont été lancées avec un autre œstrogène, le 17-béta-estradiol. Bien qu’ayant été classées en 4e génération, elles pourraient présenter un profil plus favorable sur le plan de la coagulation, et avoir en outre un moindre impact sur les paramètres glucidolipidiques.

L’étude de sécurité de phase 4 Proe-2, suivi international prospectif contrôlé en vie réelle, retrouve ainsi, auprès de plus de 100 000 femmes, une non-infériorité sur le plan de la sécurité cardiovasculaire de l’acétate de nomégestrol/17-béta-estradiol (Zoeli, Théramex), versus les COP contenant du lévonorgestrel, qui sont recommandées en première intention par la HAS et remboursées. Par ailleurs, le taux d’échecs contraceptifs a été nettement plus faible avec cette pilule monophasée.

Un nouvel œstrogène, l’estétrol (E4), va être commercialisé en ce mois de novembre 2021, dans un contraceptif l’associant à la drospirénone (Drovelis, Gédéon Richter). E4 est produit par le foie fœtal humain (sa synthèse est possible à partir de soja). Il agit différemment selon le type de tissu : antagoniste sur le récepteur ER-alpha membranaire, il est agoniste sur le récepteur ER-alpha nucléaire. Il a un effet neutre sur le foie, un faible impact sur le sein normal ou cancéreux, mais une activité estrogénique bénéfique sur l’os, le vagin, l’endomètre et le système cardiovasculaire.

Il n’a pas de métabolite actif (notamment carcinogène) et n’est pas métabolisé par le cytochrome P 450, diminuant le risque d’interactions médicamenteuses. Il est neutre sur l’environnement (faune et flore aquatique).

Les études de phase 3 ont montré une efficacité contraceptive élevée, en rapport avec sa demi-vie longue (24-32 heures), un profil de saignements favorable, un impact minimal sur les lipides, notamment les triglycérides. La drospirénone a par ailleurs un effet antiminéralocorticoïde et antiandrogénique. Selon les recommandations de la HAS, cette COP ne pourra être prescrite qu’en deuxième intention.

 

Sopk : cibler les symptômes

Le syndrome des ovaires polykystiques (Sopk) concerne de 8 à 13 % des femmes dans le monde (lire aussi p 39). Il est responsable de troubles du cycle (dysovulation/anovulation), d’une hyperandrogénie et d’infertilité. Le choix du contraceptif dans ce cas dépendra des symptômes ressentis par chacune (hyperandrogénie clinique, irrégularité menstruelle). L’interrogatoire sera primordial afin de respecter les contre-indications, surtout cardiovasculaires. La COP est souvent le premier choix. Elle devra utiliser un progestatif ayant un bon effet antiandrogénique. Le norgestimate et l’acétate de cyprotérone sont les seuls ayant une indication acné.

Les effets des POP chez ces patientes ont été peu étudiés il est alors parfois nécessaire d’y associer la spironolactone (hors AMM) pour limiter l’hyperandrogénie.

 

Avant et après chirurgie bariatrique

Selon l’étude Obépi 2020, 2,8 % des Français ont été opérés d’une chirurgie bariatrique, dont 64,8 % de femmes ; 66,3 % d’entre elles ont entre 18 et 44 ans. Dans cette population, le risque de grossesses non désirées ou d’IVG est multiplié par quatre par rapport aux femmes de poids normal et du même âge. Elles utilisent huit fois moins de méthodes contraceptives efficaces. Et leur grossesse est à haut risque de complications.

Après chirurgie, une contraception s’impose afin de respecter le délai de 12 à 18 mois avant la mise en route d’une grossesse. Comme pour toute intervention, il existe un risque accru d’accident thromboembolique pendant la période chirurgicale : les COC sont alors contre-indiquées, un switch est nécessaire 2 mois avant, et jusqu’à 6 à 8 semaines après.

La contraception orale est possible pour les chirurgies sans malabsorption ; elle est contre-indiquée sinon. Par ailleurs, la chirurgie est très souvent responsable de carence martiale, qu’il faut corriger. Attention donc aux ménométrorragies liées aux DIU au cuivre, auxquels on préférera ceux au lévonorgestrel. Les méthodes contraceptives à longue durée d’action sont à privilégier. Et le choix doit tenir compte du risque cardiovasculaire élevé de ces femmes.

Symposia Exeltis et Théramex, Session « Bonnes pratiques en contraception »

Dr Lydia Marié-Scemama

Source : Le Quotidien du médecin