Pour des grossesses plus simples

Les services doivent s'adapter au handicap

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Publié le 24/06/2019
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Crédit photo : PHANIE

En raison d'une forte implication locale dans l'accessibilité aux soins des patients sourds et la rééducation des personnes blessées médullaires, la maternité de l'hôpital Couple Enfant du CHU de Grenoble-Alpes a développé une expertise dans la prise en charge des femmes enceintes en situation de handicap, en particulier sourdes, para- et tétraplégiques (lire encadré).

« Que la surdité soit de naissance (sans aucun développement du langage oral) ou acquise (la personne parle, ce qui masque souvent sa surdité), l'accueil de ces patientes demande des adaptations lors des consultations », explique la Dr Véronique Equy, obstétricienne au CHU Grenoble-Alpes. Le réflexe du soignant est de passer par l'écrit. « Or, la maîtrise de l'écrit est très variable d'une personne sourde à l'autre, prévient la spécialiste. Il faut privilégier des messages courts. Dans notre maternité, nous avons fait des planches avec des icônes et des écrits très simples pour imager les différentes situations ».

Les échanges doivent être en face-à-face pour faciliter la lecture labiale, il faut s'assurer de la bonne compréhension des informations, avoir recours au carnet de maternité pour la transmission des données. On peut aussi faire ressentir les vibrations lors de l'auscultation des bruits du cœur, sans oublier de bien signaler, par un geste, le début de l'examen gynécologique…

Mais l'idéal pour les femmes sourdes qui ont acquis la langue des signes française (LSF) est d'avoir recours à un interprète pour une traduction simultanée, ce qui permet d'avoir une vraie conversation. Cela est d'autant plus important que ces femmes ont un accès difficile aux sources même d'informations (radio, télévision, entourage) et n'ont ainsi souvent que très peu de connaissances sur la grossesse. S'il est possible de faire appel à l'hôpital – ou en ville aux frais de la patiente –, à un interprète en LSF pour une consultation programmée et lors du séjour en maternité, cela est plus compliqué dans le cadre des consultations d'urgence. De plus, la présence d'un tiers lors de la consultation n'est pas toujours bien vécue par la patiente, même si les interprètes sont soumis eux aussi au secret professionnel. « C'est pourquoi nous avons fait dans notre maternité une formation en groupe (médecins, sages-femmes, auxiliaires de puéricultures) à la LSF, qui nous a permis d'acquérir un niveau suffisant pour faciliter les échanges dans un contexte d'urgence », explique la Dr Equy.

Des risques plus importants

Les femmes sourdes ont plus souvent un diabète gestationnel, ce qui nécessite d'être strict sur le dépistage. Elles ont aussi un risque plus élevé d'accouchement inopiné à domicile, du fait des difficultés d'appel en cas d'urgence. « Il faut les informer sur le numéro d'appel d'urgence national pour les sourds et malentendants, le 114 (1), anticiper la conduite à tenir en cas de signe d'alerte. On sera très prudent avant de renvoyer à son domicile une femme venant pour des contractions », souligne la Dr Equy.

Le dépistage de la surdité chez le nouveau-né est un sujet toujours délicat, les femmes étant souvent ambivalentes à cet égard. « Il est plus facile de le proposer depuis qu'il est obligatoire, mais les femmes peuvent le refuser », rappelle la Dr Equy.

exergue : Les femmes sourdes ont souvent moins de connaissances sur la grossesse, du fait d'un accès difficile aux sources d'information (radio, TV, entourage)

Entretien avec la Dr Véronique Equy, obstétricienne, CHU Grenoble Alpes
(1) https://www.info.urgence114.fr

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste