La plateforme Maladies rares demande des fonds publics et un dépistage néonatal élargi

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Publié le 27/02/2024

Crédit photo : GARO/PHANIE

À deux jours de la journée mondiale maladies rares le 29 février et de l’annonce attendue du plan national (PNMR4), les acteurs de la plateforme Maladies rares se sont rassemblés pour demander des « mesures décisives et structurantes ». À commencer par la mise en place d’un fonds public d’intervention et d’innovation pour les traitements et l’accélération de l’inclusion de nouvelles maladies dans les programmes de dépistage néonatal.

Pour l'instant, la nature exacte des annonces à venir n’est pas connue. Le rapport censé guider les grandes lignes du PNMR4, confié au Pr Guillaume Canaud, néphrologue, et à la Pr Agnès Linglart, pédiatre, n’a pas non plus été rendu public. « Pour nous, le plus important, c’est que les annonces ne soient pas vides et qu’il y ait des moyens dédiés pour les appliquer », insiste la présidente de l’AFM Téléthon, Laurence Tiennot-Herment qui regrette par ailleurs l’absence des associations dans le pilotage des différents groupes de travail. D’où l’emphase mise sur un fonds public d’intervention pour les pathologies les plus rares, qui n’offrent pas de perspectives commerciales susceptibles d’attirer les investisseurs privés.

95 % des maladies rares sans traitement

Selon la plateforme, seulement 5 % des maladies rares disposent d’un traitement, et 85 % des maladies en impasse thérapeutique concernent moins d’une personne par million d’habitants. Parmi ces malades laissés sans traitement, 30 % n’atteindront pas l’âge de 5 ans.

Laurence Tiennot-Herment cite l’exemple du syndrome de Crigler-Najjar, une maladie métabolique qui concerne 20 patients en France. Après une première preuve de concept en 2007, une thérapie génique est en développement depuis 2013, avec un essai clinique en 2017 sur 10 patients, avec des résultats cliniques encourageants. Les coûts de développement de l'essai (33,5 millions d’euros) ont été assumés par le Généthon (28,5 millions) et l’Union européenne (5 millions). « Il manque encore 24 millions pour aller jusqu'à une mise à disposition de type AMM conditionnelle, explique Laurence Tiennot-Herment. Mais aucun laboratoire ne veut s’engager car ce ne sera pas rentable. C’est un bon exemple de pathologies ayant besoin d’un fond dédié, et nous en avons des dizaines d’autres ».

Dépistage néonatal : le retard français

Autre sujet qui enflamme les membres de la plateforme : le retard pris par la France en matière de dépistage néonatal. Treize maladies rares sont actuellement dépistées à la naissance, ce que Christian Cottet, directeur général de l’AFM Téléthon, juge très insuffisant. L’Italie en dépiste déjà 48, la Pologne et l’Autriche, 29 chacune.

L’exemple le plus frappant est l’amyotrophie spinale (SMA) : elle dispose désormais de trois options de traitement efficaces en présymptomatique : Spinraza (nusinersen), Évrysdi (risdiplam) et Zolgensma (onasemnogene abeparvovec). Les études montrent ainsi qu’un dépistage néonatal améliore le pronostic et les chances de marcher.

« Si l’on regarde le bilan des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) SMA entre juin 2019 et janvier 2024, sur 139 bébés vus cette année-là, 62 ont été diagnostiqués trop tard et renvoyés à l’histoire naturelle de la maladie, c’est-à-dire la mort », illustre avec amertume Christian Cottet. Sur les 11 traités par nusinersen ou risdiplam, neuf sont encore vivants aujourd’hui, et sur les 64 traités par thérapie génique, 62 sont en vie. « Il faut anticiper le progrès thérapeutique et mettre dès à présent en place le dépistage des maladies qui bénéficieront à l’avenir d’un traitement efficace, comme on l’a fait avec la mucoviscidose en 2002, poursuit-il. Il est révoltant de devoir refaire des programmes pilotes dans chaque pays avant de mettre en place des dépistages qui existent déjà à l’étranger ».

La culture du doute

Les membres de la plateforme insistent sur la formation et l’information pour diffuser une culture du doute : « Et si c’était une maladie rare ? » Ils espèrent aussi des investissements dans l’IA, afin d’analyser les données non structurées (les textes de comptes rendus rédigés par des médecins), pour extraire des similitudes avec des maladies rares connues.

Le statut des aidants confrontés à des difficultés administratives et à des ruptures professionnelles fait partie de leurs revendications. « Il est urgent d’améliorer les aides financières aux personnes et familles mais également de financer des professionnels de la coordination et de l’accompagnement », résument les membres de la plateforme.

Vers un plan européen ?

Alors que la France est sur le point de dévoiler les grandes lignes de son PNMR4, des parlementaires européens militent pour la mise en place d’un plan européen, avec une audition le 28 février à Strasbourg.

Le concept de plan européen « progresse, mais il y a encore du chemin à parcourir » résume Yann Le Cam, directeur général de l’ONG Eurordis, en faveur d’une reconnaissance européenne. Dans une interview récente au média Politico, la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, a estimé qu’il était envisageable de créer un plan européen maladies rares, à l’image du plan européen pour vaincre le cancer. « Cela permettrait de fixer des objectifs communs, détaille Yann Le Cam. Une véritable stratégie transfrontalière compenserait la rareté des malades, des ressources et des données par la mutualisation des moyens ».


Source : lequotidiendumedecin.fr