Une grande étude internationale* d'association pangénomique a permis de mettre en évidence 75 régions du génome impliquées dans la maladie d'Alzheimer, dont 42 n'avaient pas encore été identifiées jusque-là. Ce résultat, paru dans « Nature Genetics », s'appuie sur les données d'une vaste cohorte mise en place par le consortium European Alzheimer & Dementia BioBank (EADB), sous la coordination du directeur de recherche Inserm Jean-Charles Lambert.
« L'objectif du consortium était de collecter le plus d'échantillons possible au niveau européen pour obtenir une puissance statistique suffisante et améliorer nos connaissances génétiques de la maladie d'Alzheimer », explique au « Quotidien » le chercheur. Ainsi, l'étude porte sur un groupe hétérogène de 111 326 personnes ayant reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer ou considérées à risque car ayant des proches atteints par la maladie (appelés « Proxy AD ») et 677 663 sujets sains « contrôles ». À partir de cette grande cohorte, 21 millions de variants ont pu être détectés, contre 11 millions lors de la dernière grande étude de ce type.
La voie TNF alpha, identifiée pour la première fois
Les études d'association pangénomique (Genome-Wide Association Study ou GWAS) visent à étudier les variations génétiques d'un grand nombre d'individus afin d'identifier celles qui sont associées à des traits spécifiques de la maladie. En appliquant cette démarche à l'aide d'un panel d'imputation appelé TOPMed - qui permet de définir des génotypes à grande échelle et de les analyser -, les chercheurs sont parvenus à confirmer l'implication de 33 régions chromosomiques dans le développement de la maladie et à en caractériser 42 nouvelles. « Ces observations génétiques permettent de caractériser des voies physiopathologiques, avec pour objectif de proposer des cibles thérapeutiques potentielles », souligne Jean-Charles Lambert.
De manière attendue, parmi les régions chromosomiques identifiées, certaines étaient impliquées dans la production des peptides amyloïdes et le fonctionnement de la protéine tau, confirmant leur rôle majeur dans le développement de la maladie. « Nous avons également confirmé de façon claire que les cellules microgliales, et donc la réponse immunitaire, sont importantes pour le développement de la pathologie », poursuit le chercheur. Enfin, pour la première fois, l'implication de la voie TNF alpha dans la maladie d'Alzheimer a été mise en évidence par la génétique.
Un score de risque pour identifier les populations à risque
« Des pistes thérapeutiques basées sur les protéines tau et les peptides amyloïdes sont en cours de développement. Et même si elles n'ont pas encore fait l'objet de grands succès encore, nos résultats confirment qu'il s'agit de pistes pertinentes qu'il ne faut pas abandonner », estime Jean-Charles Lambert. Des pistes liées à la réponse immunitaire et à la voie TNF alpha commencent également à être développées.
« Nos résultats montrent qu'il existe plusieurs points d'entrée pour le développement de la pathologie, ce qui suggère qu'il faudra probablement développer des polythérapies en fonction du background génétique de chaque individu », précise le directeur de recherche.
Les chercheurs ont par ailleurs établi un score de risque génétique en s’appuyant sur ces résultats pour définir des populations à risque. Ce score permet, à l'échelle de la population et non à l'échelle individuelle, de prédire l'évolution vers la maladie d'Alzheimer. « Les connaissances génétiques peuvent en effet être aussi utilisées pour définir des populations à risque afin de mettre en place des essais thérapeutiques plus efficaces », note Jean-Charles Lambert.
Ce travail de recherche génétique n'est pas encore fini. « Nous allons probablement faire de nouvelles découvertes. Je dirai qu'il reste encore quelques dizaines de gènes à identifier », avance le directeur de recherche.
* Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille, du CHU de Lille et de l’Université de Lille au sein du laboratoire U1167 « Facteurs de risque et déterminant moléculaires des maladies liées au vieillissement », en collaboration avec des équipes européennes, américaines et australiennes
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