Des thérapies novatrices dans la SEP

Par
Publié le 26/03/2021
Article réservé aux abonnés
Il y a autant de nouveaux traitements que de nouvelles stratégies dans la sclérose en plaques (SEP). Et plusieurs innovations thérapeutiques sont en développement…
Les lymphocytes B représentent une cible thérapeutique

Les lymphocytes B représentent une cible thérapeutique
Crédit photo : Phanie

Aujourd’hui, la stratégie utilisée tient davantage compte de l’agressivité de la SEP et des projets de vie des patients, raison pour laquelle la discussion de la stratégie intervient très tôt avec eux.

Un arsenal thérapeutique étendu

Les anciens médicaments injectables (interférons bêta et acétate de glatiramère) ont une efficacité modérée, mais un excellent profil de tolérance (aucun effet indésirable grave et utilisables pendant la grossesse). Mais d’autres molécules sont apparues, comme le tériflunomide et le diméthylfumarate. Le principal avantage est leur administration orale et leur profil proche : efficacité modérée et tolérance correcte (avec un léger surrisque d’infection et une contre-indication pendant la grossesse). Le fingolimod, le natalizumab et l’ocrelizumab (anti-CD20) ont une efficacité encore supérieure, mais des risques d’effets secondaires potentiels plus sévères. Quant à la cladribine, disponible prochainement, elle pourra être prescrite par le neurologue, mais devra être validée par un centre de référence SEP et réservée aux patients en échec thérapeutique. « Le laboratoire, en lien avec l’Observatoire français de la SEP, et la Société francophone de la SEP vont mettre en place une étude observationnelle pour recueillir les données concernant ces patients mis sous cladribine, ce qui permettra à l’Agence du médicament de réévaluer le dossier dans trois ans », souligne le Pr Éric Thouvenot (CHU de Nîmes). Enfin, la mitoxantrone qui est un immunosuppresseur très puissant, longtemps utilisé en troisième intention seulement, reste disponible.

Des stratégies plus personnalisées

« Aujourd’hui, on adopte trois stratégies différentes, explique le Pr Thouvenot. Chez les patients qui débutent une SEP peu agressive, on commence par un traitement de première ligne : interféron, acétate de glatiramère, diméthylfumarate ou tériflunomide. En cas d’échec, on change pour des traitements de seconde ligne (escalade thérapeutique). Chez les patients ayant une forme très agressive d’emblée, l’une des stratégies est d’avoir recours à un traitement d’induction fort (mitoxantrone), donné sur une courte durée (six mois), mais qui va modifier drastiquement le système immunitaire de sorte que la maladie est calmée pour plusieurs années (effet rémanent). Dans ces formes d’emblée très agressives ou en échec à une première ligne thérapeutique, un traitement intensif peut aussi être réalisé avec l’ocrelizumab, le natalizumab ou le fingolimod. Ces stratégies permettent de s’adapter aux projets des patients. Par exemple, chez une femme jeune avec une maladie très active et un désir de grossesse, un traitement d’induction se discute : il permet d’obtenir ensuite une vacance thérapeutique de deux ans, compatible avec une grossesse sans que le futur bébé soit exposé à des médicaments. Autre stratégie : lui prescrire du natalizumab qui peut être utilisé pendant toute la grossesse ».

Des innovations thérapeutiques attendues

Les inhibiteurs de la sphingosine-1-phosphate (S1P), nouvelles molécules de la même classe thérapeutique que le fingolimod, seront prochainement disponibles : très efficaces, ils devraient gagner en tolérance. Parmi les cinq récepteurs de S1P (RS1P), le fingolimod inactive les 1, 2, 3 et 5. Or, le troisième (RS1P3) est associé à des effets secondaires cardiaques… Ainsi, trois inhibiteurs, qui ne sont pas des agonistes partiels de RS1P3, sont en cours de développement : siponimod (RS1P1 et RS1P5), ozanimod (RS1P1 et RS1P5) et ponesimod (RS1P1). « Ozanimod et ponesimod ont montré leur intérêt dans les SEP rémittentes. Le siponimod a aussi une AMM européenne dans la forme progressive de la SEP, mais n’est pas remboursé en France dans cette indication. Comme il n’y a pas de médicaments indiqués dans la SEP progressive en France, nous utilisons le rituximab (un anti-CD20 moins coûteux), des études ayant montré qu’un autre anti-CD20 (ocrelizumab) avait un intérêt dans ces formes », poursuit le Pr Thouvenot.

Une autre piste est explorée : humaniser les anticorps anti-CD20. Le rituximab est à 65 % humain, l’ocrelizumab à plus de 90 % et l’ofatumumab (attendu d’ici quelques semaines) à 100 %, ce qui devrait théoriquement améliorer encore sa tolérance.

Enfin, les lymphocytes B représentent une cible thérapeutique puisqu’ils activent les lymphocytes T. Des inhibiteurs de Bruton Tyrosine Kinase (BTKi) sont en cours de développement : « ils inhibent une kinase activée par le récepteur des lymphocytes B et des macrophages. Les lymphocytes B ne sont pas détruits, mais leur activation est bloquée, ainsi que leurs interactions avec les lymphocytes T. Des études de phase III sont en cours (evobrutinib, SAR442168, etc.). Principal avantage : leurs effets sont réversibles », conclut le Pr Thouvenot.

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin