Un critère d'infection hautement fiable

L’anosmie, un symptôme durable de Covid-19

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Publié le 23/10/2020

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Identifiée mi-mars en France comme symptôme de l'infection à SARS-CoV-2, l'anosmie couplée à une sensation d’agueusie continue d’intriguer. La perte d’odorat peut durer plus de deux mois chez certains patients.

77,6 % des personnes ayant perdu l'odorat et/ou le goût étaient porteuses des anticorps anti-SARS-CoV-2
Crédit photo : Phanie

Il a fallu attendre mi-mars pour que l’anosmie soit identifiée comme un symptôme de Covid-19. Masqué par les troubles respiratoires, ce signe n’avait pas attiré plus que cela l’attention des médecins chinois et iraniens, dont les pays ont été touchés bien avant l’Europe par cette pandémie.

Chez beaucoup de patients, cette perte d’odorat, associée à une sensation d’agueusie, a duré deux à trois semaines. Chez d’autres, le mal se révèle plus durable. Certains témoignages font état d’une perte d’odorat persistant depuis plusieurs mois… Alors même que le Covid-19 les a quittés. « L'inflammation ne touche pas le neurone olfactif mais la cellule de soutien. Il est cependant possible que l’inflammation ait détruit ces neurones chez certains, et qu’il faille un peu plus de temps pour que ces cellules se régénèrent », avance le Dr Alain Corré, chirurgien ORL à l'hôpital de la Fondation Adolphe de Rothschild, qui est partie prenante d’une étude en cours sur le sujet.

Des estimations hautement variables

La prévalence de l’anosmie est d’autant plus difficile à mesurer que l’on ne connaît pas précisément le nombre de patients atteints par le nouveau coronavirus. D’un continent à l’autre, les chiffres varient. Des études chinoises recensent des taux autour de 5 % d’anosmie, alors qu’en Europe la perte d’odorat concernerait de 40 à plus de 80 % des patients ! Une fourchette si large montre bien la difficulté d’établir une évaluation précise.

Dès les premiers soupçons émis en France, la direction générale de la Santé (DGS) écrivait que ce « tableau clinique semble plutôt caractéristique des formes bénignes. Toutefois, il semble aussi assez fréquent dans les formes graves si on recherche le symptôme ». Une hypothèse prudente qui semble coller aux observations sur le plus long terme. Une étude sur 1 420 patients publiée dans le « Journal of Internal Medicine », coordonnée par l’hôpital Foch de Suresnes et l’université de Mons en Belgique, affirme qu’une majorité de patients frappés d’anosmie souffrent d’une forme bénigne de Covid-19 alors qu’en sortie de réanimation, peu de patients disent avoir subi une perte d’odorat. Autre évidence qui est aussi un biais, l'étude ne tient pas compte d’une éventuelle anosmie chez les personnes décédées des suites du Covid-19…

Un critère d'auto-isolement avant résultat du test

Au fil des mois, la liste des publications sur la concordance anosmie-Covid19 s’épaissit. Dans « Plos Medicine » (1), des chercheurs de l’University College London Hospitals NHS Foundation Trust ont estimé début août que l’anosmie et la sensation d’agueusie constituent des indicateurs d'infection « hautement fiable ». À ce titre, ces symptômes devraient selon eux être considérés au niveau mondial comme un critère d'auto-isolement, de dépistage et de recherche de cas contacts.

Basée sur une cohorte de personnes dont les données de santé proviennent de centres de soins primaires situés à Londres, leur étude révèle que 77,6 % des personnes ayant signalé au printemps une perte soudaine d'odorat et/ou de goût étaient porteuses des anticorps anti-SARS-CoV-2. Or, parmi ces personnes, 39,8 % ne présentaient ni fièvre, ni toux. Des éléments de nature à porter une attention plus aiguisée encore à l’anosmie.

J Makaronidis et al. Plos Medicine, 1er octobre 2020; doi.org/10.1371/journal.pmed.1003358

Guillaume Mollaret