TROIS MILLE personnes en moyenne se suicident chaque jour dans le monde. L’IASP, l’association internationale pour la prévention du suicide, organise aujourd’hui une journée mondiale, avec l’espoir de construire une action commune.
Le suicide des personnes âgées (de plus de 65 ans), bien qu’en hausse, est négligé, sous-estimé, méconnu. C’est d’ailleurs ce qui a conduit l’IASP, lors de son congrès en Afrique du sud en 2005, à constituer un groupe de travail spécifiquement dédié à ce phénomène.
Dans notre pays, les suicides des sujets âgés représentent un tiers des décès par suicide. Une proportion « considérable », estime le Dr Thierry Gallarda*, responsable du Centre d'évaluation des troubles psychiques et du vieillissement (CETPV) à Sainte Anne. Et encore plus inquiétant si l’on prend en compte le vieillissement de la population.
Suicidant déterminé.
Le suicidant âgé est généralement très déterminé, ce qui induit un taux de réussite élevé dans cette population. Le taux des tentatives de suicide diminue avec l’âge quand, à l’inverse, le taux de suicides augmente fortement. Ainsi, pour les jeunes gens de 20 ans, on compte 22 TS pour un suicide chez les garçons et 160 pour un suicide chez les filles. À l’âge de 65 ans, quasiment chaque tentative aboutit à un suicide effectif, chez les hommes du moins, il en faut trois pour un suicide chez les femmes.
Cette détermination s’observe d’ailleurs par les modes de passage à l’acte : défenestration, pendaison, armes à feu (mode le plus utilisé aux États-Unis…), suffocation, intoxication par le gaz. Mais l’intoxication médicamenteuse volontaire reste la modalité la plus fréquente de suicide chez la personne âgée en France. Paracétamol et autres antalgiques, benzodiazépines et antidépresseurs. Contrairement aux TS des adolescents ayant valeur d’appels à l’aide, « le sujet âgé a le souci de ne pas être secouru », précise le Dr Gallarda. La majorité des suicides des personnes âgées ont lieu à leur domicile, bien plus qu’en institution. D’ailleurs, un suicide accompli en institution soulève des questions quant à « la méconnaissance de la sévérité de la psychopathologie, les insuffisances de la prise en soins, la qualité de vie au sein de l’institution… ».
Reconnaître le caractère suicidaire.
La difficulté réside essentiellement dans la reconnaissance du caractère suicidaire d’un patient. « Il peut y avoir décalage entre l’intensité d’une dépression, d’ailleurs beaucoup plus polymorphe chez le sujet âgé, et son projet suicidaire ». « Chaque geste autoagressif d’apparence mineure devrait être considéré comme une tentative de suicide », souligne encore le psychiatre, qui évoque également les syndromes de « désinvestissement », déterminés par le Pr Yves Pélicier. « Le sujet souvent très âgé, au-delà de 85 ans, ne manifeste pas expressément d’intentions suicidaires, il peut même réfuter cette idée avec énergie et mettre en avant ses conceptions religieuses ou la considération portée à sa famille. Cependant, tout son comportement atteste du renoncement à la vie et de sa mise en péril : refus actif de maintenir des relations amicales et sociales, apparente désinvolture dans le suivi de la prescription de traitements médicamenteux, clinophilie**. ».
Plusieurs études, indique le Dr Gallarda, fondées sur la méthode de l’autopsie psychologique, ont permis de conclure que de 70 à 90 % des sujets âgés présentaient au moins une pathologie psychiatrique lors de leur décès par suicide. « Un niveau élevé de symptômes dépressifs auto-évalués s’est avéré le plus puissant des facteurs prédictifs de suicide ». D’autres pathologies psychiatriques sont impliquées, bien sûr, mésusages d’alcool et substances psychoactives, troubles psychotiques, notamment la schizophrénie, troubles anxieux, troubles cognitifs… Une étude cas-témoin post-mortem a montré plus de lésions évocatrices de maladie d’Alzheimer chez des sujets âgés décédés du fait d’un suicide que chez des témoins décédés de cause naturelle.
La situation familiale a également son importance. Les veufs, célibataires et divorcés présentent des taux de suicide plus élevés que les personnes mariées. Et puis les personnes âgées vivent certains événements, susceptibles de devenir « à risque » : deuil, entrée en maison de retraite…
Les statistiques indiquent que, dans les jours, les semaines ou les mois précédant leur passage à l’acte, un pourcentage élevé de patients a eu un contact avec un soignant. Preuve que les professionnels de santé ont du mal à détecter les indices prédictifs de suicide.
« Il faut absolument travailler sur une meilleure identification des facteurs de risque et des signes, et essentiellement auprès des généralistes », qui sont les interlocuteurs privilégiés des personnes âgées.
* A paraître chez Flammarion, « Psychiatrie du sujet âgé ».
** La clinophilie est le fait de rester au lit la journée, allongé, pendant des heures, tout en étant éveillé, comportement qui peut être associé notamment à une dépression.
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points