Dépasser les préjugés pour découvrir les richesses de la spécialité

Psychiatrie à l'internat, pourquoi ce choix audacieux ?

Publié le 18/07/2019
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Crédit photo : DR

Parfois considérée comme « à part », la psychiatrie est un choix qui ne peut être fait au hasard. À preuve : les internes interrogés ont tous choisi leur spécialité avant les épreuves classantes nationales (ECN) et après avoir effectué un stage d’observation en externat. À les entendre, on comprend que la filière demande d’avoir une curiosité pour l’autre plus forte que l’appréhension. Tous, sont unanimes : la place du patient fait battre le cœur du métier et tient une place centrale, du diagnostic au traitement. Sa prise en charge globale se démarque de celles d’autres filières.

« Le lien humain avec le patient est notre outil de travail. La psychiatrie, c’est avant tout un travail de bienveillance, de contenance psychique, de réassurance et de sécurisation », explique Jean Belbèze, interne de 28 ans en huitième semestre à l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris.

L’humain avant tout

Pour lui, la psychiatrie est d’autant plus intéressante qu’elle allie la rigueur et la rationalité médicale pour traiter de la subjectivité du patient. « On professionnalise la compréhension du comportement de l’autre. Nous effectuons notre diagnostic sur plein de niveaux : sémiologique, syndromique, neurologique, psychopathologique… Il n’y a pas de preuve matérielle ou de dosage prédéfini. On prend aussi en compte l’environnement du patient », détaille-t-il.

Jean avait hésité avec la cardiologie vers laquelle il aurait pu se tourner mais il a préféré son stage en psychiatrie : « La cardiologie que j’aimais beaucoup est très technique. La psychiatrie est plus tournée vers la pensée, sur la réflexion sur l’humain. Les externes se disent souvent que les psychiatres ne sont pas vraiment des médecins. Je m’étais renseigné auprès de psychiatres qui m’ont expliqué la richesse et le sérieux médical des pratiques. »

Alexandre Carpentier, lui, avait hésité avec la néphrologie. Aujourd’hui en sixième semestre à Amiens, l’interne en psychiatrie insiste sur la variété de l’exercice psychiatrique : « Les personnes souffrant de troubles psychiques sont fragiles et peuvent rechuter à tout moment. Nous n'avons pas une obligation de réussite mais nous avons beaucoup de moyens à notre disposition pour accompagner le patient dans sa pathologie. On peut moduler le rythme des consultations, modifier les traitements médicamenteux, proposer des thérapies cognitives et comportementales, de l’hypnose… Il faut une prise en charge globale et individuelle pour chaque patient », résume-t-il.

Un bouillonnement intellectuel

Il rappelle aussi les caractéristiques éthiques et légales de la psychiatrie - seule spécialité où les médecins peuvent priver un patient de sa liberté. « La qualité du lien avec le patient est primordiale. Il passe par une bonne information et le respect de la loi et des droits du malade. » La dimension médico-légale de la psychiatrie a particulièrement intéressé Alexandre qui avait hésité à faire du droit. Il a complété son parcours avec un diplôme universitaire de psychiatrie criminelle et médico-légale.

« C'est aussi une des spécialités les plus sociales. Nous travaillons avec des assistants sociaux en permanence et c'est très enrichissant », ajoute Alexandre. Lors de réunions régulières, chaque membre de l’équipe est écouté pour mieux connaître le patient. « Nous sommes en perpétuelle réflexion pour proposer à nos patients des solutions. Le patient doit être au cœur de sa prise en charge. »

Toutes les questions que la psychiatrie soulève au quotidien, Bertrand Thévenot les affectionne particulièrement. À 29 ans, il réalise son quatrième semestre au centre hospitalier Esquirol, en périphérie de Limoges. Il avait suspendu deux ans son cursus de médecine, déçu par ses stages en externat : « Je suis revenu et mon premier stage d’observation en psychiatrie a été un déclic. L’exercice correspondait à ma manière de voir la médecine, plus humaine que technique. »

L’ancrage de la psychiatrie dans la société et l’actualité l’a aussi interpellé. « Nous nous trouvons parfois à la croisée de la philosophie et de la sociologie. Entre l’impact du travail, les patients migrants ou ruraux, nous apprenons beaucoup sur notre époque », raconte-t-il. Sa vision de la psychiatrie peut trancher avec celle des psychiatres férus de neurosciences et de biologie. « Il y a énormément de courants différents en psychiatrie, d’où naissent des débats et une émulation vive ! », commente Bertrand.

Évidemment, le suivi des soins parfois difficile chez les patients atteints de troubles psychiques chroniques peut décourager les externes à choisir psychiatrie. « Mais ce sont aussi les petites victoires au quotidien qui nous font extrêmement plaisir. Quand un patient se réinsère socialement, qu’il retrouve du plaisir ou revient en état stable par exemple », assure-t-il.

Encadrés avec bienveillance

Quand elle était externe, Mélanie Garcia craignait les rumeurs de soins maltraitants en psychiatrie, souvent illustrées dans les films. « Depuis mon adolescence la psychiatrie m’intéressait, mais une fois en médecine certaines craintes ont pris le dessus. Jusqu’à mon premier stage qui a cassé toutes mes fausses idées. L’hôpital psychiatrique est bien un hôpital comme un autre et pas une prison ! », s’exclame-t-elle.

L’équipe qui l’avait accueillie alors lui a aussi donné envie d’en faire partie. Aujourd’hui en second semestre d’internat en psychiatrie dans la région de Bordeaux, elle souligne la bienveillance de ses encadrants à l’encontre des internes. « Par leur métier, les médecins sont sensibilisés au bien-être psychologique. Ils respectent aussi le rythme des internes qui restent des étudiants. Nos congés de formation sont accordés. Nous effectuons quatre gardes par mois et prenons bien nos repos compensatoires », détaille-t-elle.

L’interne de 25 ans aimerait se diriger vers le secteur fermé après son internat. « J’aime bien l’urgence et les soins intensifs que demande le fermé. Les patients nous surprennent toujours. On se lève le matin, on ne sait pas ce qui nous attend et l’adrénaline ne manque pas », explique-t-elle.


Source : Le Quotidien du médecin