Polyarthrite rhumatoïde : une prise en charge en pleine évolution

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Publié le 27/06/2022
Différentes stratégies thérapeutiques ont été évaluées dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), aboutissant notamment à une actualisation des recommandations. Les études se sont également intéressées à l’évolution précoce de la maladie, aux facteurs prédictifs de PR réfractaires et à la prise en charge des comorbidités.
Les patientes jeunes, avec un fort retentissement de la maladie au diagnostic, sont les plus à risque de formes réfractaires

Les patientes jeunes, avec un fort retentissement de la maladie au diagnostic, sont les plus à risque de formes réfractaires
Crédit photo : phanie

Si l’activité de la maladie le nécessite, prescrire une courte corticothérapie à faible dose, lors de l'initiation du méthotrexate

Si l’activité de la maladie le nécessite, prescrire une courte corticothérapie à faible dose, lors de l'initiation du méthotrexate
Crédit photo : Phanie

La dernière actualisation des recommandations européennes de l'EULAR, sur la prise en charge de la PR, datait de 2019. Aujourd’hui, la nouvelle mise à jour apporte peu de modifications. Les grands principes généraux sont inchangés : instaurer un traitement le plus tôt possible, en première intention le méthotrexate (MTX), avec la nécessité d’une surveillance initiale rapprochée. L’objectif reste la rémission prolongée ou une activité clinique minimale.

Si l’activité de la PR le nécessite, les experts recommandent de toujours prescrire une courte corticothérapie à faible dose, lors de l’instauration du MTX, avec une diminution rapide de la posologie jusqu’au sevrage.

Quant aux inhibiteurs de JAK (JAKi), actuellement en réévaluation, ils se situent au même niveau de prescription que les biologiques, après échec ou insuffisance de réponse au MTX. Mais leur prescription doit prendre en compte le profil du patient et ses facteurs de risque : cardiovasculaires, cancers, évènements thromboemboliques, plus de 65 ans…

Concernant la corticothérapie, les résultats de l’étude GLORIA (1) sont en faveur d’un rapport bénéfice/risque favorable à deux ans. Cet essai a évalué, versus placebo, l’efficacité et la tolérance d’une faible dose (5 mg/jour) de prednisolone chez 449 sujets de plus de 65 ans, atteints de PR, avec un score d’activité DAS 28 ≥ 2,6. Dans le groupe prednisolone, 63 % des patients (vs 61 % sous placebo) ont poursuivi le traitement pendant deux ans. La diminution du DAS 28 est plus importante sous prednisolone (déclin rapide se stabilisant après un an). Les évènements indésirables (surtout des infections légères à modérées) étaient légèrement plus élevés dans le groupe prednisolone que dans le bras placebo.

Du méthotrexate contre l’évolution des pré-PR ?

Le processus pathologique impliqué dans le développement de la PR commence bien avant l’apparition des symptômes cliniques. Ainsi, une étude (2) a évalué si un traitement par MTX à la phase pré-PR (arthralgie et inflammation à l'IRM infraclinique) permet de prévenir le développement de la maladie ou de diminuer son retentissement. Au total, 236 patients ont reçu soit une unique injection intramusculaire de 120 mg de cortisone et du MTX par voie orale (jusqu’à 25 mg/semaine) pendant un an, soit une injection et des comprimés de placebo. Les patients étaient ensuite suivis un an de plus. Le critère principal était le développement d’une PR (critères ACR/EULAR 2010 ou un gonflement articulaire d’au moins deux articulations pendant plus de deux semaines). Après deux ans, aucune différence significative n’était observée quant au développement d’une polyarthrite clinique (80 % dans le groupe MTX vs 82 % dans le bras placebo, HR = 0,81 ; IC 95 % : 0,45-1,48). Dans le sous-groupe de sujets à haut risque, les patients sous placebo développent plus rapidement une arthrite clinique, mais à deux ans le pourcentage est le même dans les deux bras (67 %). Concernant les critères secondaires (fonction physique, douleur, dérouillage matinal, inflammation à l’IRM), les données montrent une différence significative en faveur du groupe MTX. Ainsi, le MTX prescrit chez des patients arthralgiques avec inflammation infraclinique ne permet pas de changer l’évolution vers une PR, mais améliore rapidement et durablement les symptômes.

Des facteurs prédictifs de PR réfractaires

Malgré des améliorations thérapeutiques significatives dans la PR, certains patients restent réfractaires à de multiples traitements de fond antirhumatismaux (DMARDs), avec pour conséquence des dommages articulaires irréversibles et une altération de la qualité de vie. Une étude de cohorte suédoise (3) a été menée afin de mesurer la fréquence, et d’identifier les facteurs prédictifs, des changements multiples de DMARDs (biologiques ou traitements ciblés). Sur 23 908 patients identifiés entre 2009 et 2018, 7 % avaient reçu au moins trois lignes de traitements, 3,2 % au moins quatre lignes et 1,6 % au moins cinq lignes, dans un délai moyen respectif de 3,6, 4,3 et 4,9 ans après le diagnostic. En analyse multivariée, les facteurs prédictifs indépendants étaient le sexe féminin, un âge plus jeune au diagnostic, un indice fonctionnel (HAQ) élevé, l’intensité de la douleur et la fatigue initiale. En revanche, certaines comorbidités (insuffisance cardiaque, coronaropathie, cancer, insuffisance rénale) sont associées de façon négative aux changements multiples, certainement en raison de contre-indications. Ainsi, les sujets à risque sont surtout des patientes jeunes, avec un fort retentissement de leur maladie au moment du diagnostic.

Dépister la dépression surtout chez les jeunes

Une étude s’appuyant sur le registre danois DANBIO (4) a évalué le risque de mortalité associée à la dépression chez les patients atteints d’une PR incidente. La prescription d’antidépresseurs (AD) était la mesure indirecte du diagnostic de dépression. La mortalité toute cause était estimée entre le diagnostic de PR et la première prescription d’AD, ainsi qu’après la prescription éventuelle d’AD. L’analyse était ajustée sur des facteurs de confusion : âge, sexe, comorbidités, statut marital, activité professionnelle, niveau d’instruction, revenus. Entre 2009 et 2018, l’étude a inclus 11 071 patients, dont 10 % avaient une prescription d’AD. La mortalité était augmentée chez les patients sous AD, indépendamment de l’âge et du sexe, mais surtout pour les plus jeunes. Chez les moins de 55 ans sous AD, elle était jusqu’à six fois plus élevée que chez les patients sans AD. Les courbes de survie se séparaient très tôt entre les deux groupes, dès la première année après la prescription d’AD.

Enfin, une étude a souligné qu’une PR active, et ses comorbidités, accroissait le risque de démence (5).

(1) Boers M et al, abst OP 0263.
(2) KrijbolderD et al, abst OP 0070.
(3) Chatzidionysiou K et al, abst OP 0064.
(4) Pedersen J.K et al, abst OP 0067.
(5) Kodishala C. et al, abst OP134.

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin