Néphropathie goutteuse

Une complication fréquente des gouttes tophacées

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Publié le 10/12/2018
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Crédit photo : Phanie

La goutte est connue depuis longtemps pour être une cause de détérioration de la fonction rénale. On a d’abord pensé, dans les années 1960, que cela était dû à la présence de dépôts microcristallins intramédullaires. Dans les années 1980, cette hypothèse a été remise en cause, car des biopsies ont montré des lésions de glomérulosclérose ; une origine vasculaire, l’hypertension artérielle, puis l’hyperuricémie ont alors été évoquées. « Au Vietnam, nous avons montré que l’échographie rénale pouvait dépister la néphropathie microcristalline goutteuse par la mise en évidence d’une hyperéchogénicité de l’ensemble des pyramides de Malpighi, de nature uratique au scanner double énergie, explique le Pr Thomas Bardin du CHU Lariboisière (Paris). Le but de l’étude que nous avons menée était de déterminer la fréquence de la néphropathie goutteuse dépistée par l’échographie et les caractéristiques des patients atteints. »

502 patients goutteux (répondant aux critères ACR-Eular), dont 498 hommes de 46 ans d’âge médian, atteints de la maladie depuis une durée médiane de quatre ans, ont subi une échographie rénale standardisée. 280 (57 %) avaient une goutte tophacée, 154 (31 %) une arthropathie uratique, et tous présentaient un double contour d’au moins une des quatre articulations examinées (premières MTP et genoux). L’uricémie médiane était de 423 μmol/L, et le débit de filtration glomérulaire de 78 ml/min. 112 patients souffraient d’hypertension, et 58 de diabète. De plus, une hyperéchogénicité de l’ensemble des deux médullaires rénales, avec de nombreux artefacts de scintillement en mode Doppler, était notée chez 181 patients (36 %).

L’analyse univariée trouvait un lien entre l’hyperéchogénicité et l’âge (p < 0,0001), la durée de la maladie (p < 0,0001), l’uricémie (p = 0,001), la présence de tophus cliniques (p < 0,0001) et d’arthropathies uratiques (p < 0,0001), une hypertension artérielle (p = 0,0008), une maladie coronaire (p = 0,006), une plus grande intensité des doubles contours (p < 0,0001), un DFG plus bas (p < 0,0001), une leucocyturie (p = 0,016) et une protéinurie (p = 0,013).

Dépôts uratiques

En analyse multivariée, la durée d’évolution de la goutte supérieure à cinq ans (OR : 2,96 ; IC 95 % : [1,81 – 4,87]), la présence de tophus cliniques (OR : 8,59 ; IC 95 % : [4,45 – 17,61]) et d’arthropathies uratiques (OR : 4,34 ; IC 95 % : [2,54 – 7,53]), une DFG inférieure à 80 (OR : 1,97 ; IC 95 % : [1,20 – 3,26]) étaient associées aux images de néphropathie goutteuse. Aucun lien n’a été trouvé avec la présence de calculs dans les voies excrétrices, le pH urinaire, le rapport uraturie/créatininurie et la clairance fractionnée de l’urate, ce qui suggère que les dépôts parenchymateux étaient constitués d’urate et non d’acide urique.

En conclusion, la présence de dépôts uratiques dans la médullaire rénale apparaît fréquente dans la goutte tophacée. Elle est associée à une diminution du débit de filtration glomérulaire et à la présence de leucocyturie et de protéinurie, évocatrices d’une néphropathie interstitielle.

« L’échographie rénale est utile non seulement au dépistage des calculs rénaux, mais aussi à la mise en évidence d’une néphropathie microcristalline, qui constitue une complication classique, mais quelque peu oubliée de la goutte, a conclu le Pr Bardin. En pratique, on peut penser que si l’on dissout les dépôts par un hypo-uricémiant, la fonction rénale s’améliore. Nous allons mener une étude prospective dans ce sens. »

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin: 9709