Addictologie : peu de vraies urgences en médecine générale

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Publié le 11/04/2024
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Comment gérer en médecine générale les situations de crise avec un patient suivi pour addiction ? Un atelier très dynamique a fourni quelques clés et permis de faire la part des choses entre vraies et fausses urgences.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Que faire quand un patient suivi pour une addiction appelle pour une crise de manque ? Premier réflexe : ne pas paniquer. « On ne meurt pas d'une crise de manque, sauf s'il s'agit d'un delirium tremens lié à un syndrome de sevrage de l'alcool, résume le Pr Philippe Binder (médecin généraliste et addictologue à Poitiers). Et en quarante ans de pratique, je n’ai jamais rencontré qu’une seule fois ce genre de cas qui relève plus d'un service d'urgences que d'une urgence en médecine générale », rassure-t-il.

La sensation de manque peut même être un allier précieux dans la mise en place d'un traitement de substitution. « Il faut bien préciser au patient qu'il doit prendre son premier comprimé après au moins deux heures de transpirations et d'agitations, explique le Pr Binder. Si cela le soulage très vite, il associera la buprénorphine au fait d'aller mieux. »

Overdose, anticiper en amont

Autre exemple d'urgence : l’appel d'un proche d'un patient traité par buprénorphine (Subutex) qui a repris de l’héroïne et ne bouge plus. Si ce cas d’overdose doit être géré par le 15, le généraliste a un rôle décisif en amont. « Il est important que le patient ait de la naloxone chez lui et que lui-même et ses proches sachent s’en servir, enchaîne le Dr Azuar (hôpital Fernand ­Widal, AP-HP). Les overdoses surviennent souvent parce que les usagers connaissent “trop bien” leur traitement de substitution aux opiacés et ne voient parfois pas venir le risque de certaines associations ou d'un changement dans l'heure de la prise. » Autre situation à risque identifiée par le public de l'atelier : la sortie d'hôpital ou de prison, et toute autre situation qui fait perdre la tolérance à un produit.

Le panel d'experts a également soumis le cas « semi-urgent » d'une femme polyconsommatrice cannabis/tabac/alcool/opiacée enceinte. Selon la littérature et le public présent lors de l'atelier, l'alcool et le tabac sont censés être prioritaires pour le sevrage, mais il convient d'adopter une approche pragmatique. « Je n'ai pas envie de hiérarchiser, réagit le Dr Azuar. L'important reste qu'elle continue de venir, car la grossesse est un moment qu'il ne faut pas louper. » Le spécialiste recommande donc d'évaluer la motivation à arrêter pour chaque consommation, et de commencer par celle où elle est la plus forte.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin