Contrairement à l’impression générale, l’allergie aux bêtalactamines est plutôt rare, la probabilité de présenter une réaction d’hypersensibilité (immuno-allergique ou non) étant de l’ordre de 1,11 à 1,45 % pour les pénicillines et de 0,6 à 1,08 % pour les céphalosporines. Ainsi, la grande majorité (95%) des patients étiquetés allergiques aux pénicillines sont testés négatifs. Or, comme le souligne une publication récente (Pano Pardo JR et al. Investig Allergol Clin Immunol 2023), la prescription d’une deuxième ligne d’antibiothérapie pour suspicion d’hypersensibilité aux bêtalactamines augmente à la fois la morbimortalité hospitalière, la durée du séjour hospitalier, le risque de réadmission, la résistance bactérienne aux antibiotiques et l’incidence des infections liées aux soins.
Un interrogatoire dédié indispensable
D’où l’importance de l’interrogatoire médical dédié, comme l’a rappelé la Dr Marie-Charlotte Chopin (Boulogne-sur-Mer). Celui-ci doit permettre de déterminer les conditions d’apparition de l’allergie suspectée : antibiotique inculpé, type d’allergie (réaction immédiate ou retardée), présence de signes de gravité, antibiotique substituable ou non, délai de survenue entre la réaction allergique index et la réexposition le cas échéant, etc. C’est aussi le moment d’écarter certains critères faussement évocateurs : affirmation d’allergie fondée sur un antécédent familial, antibiotique inculpé déjà réadministré sans réaction allergique, symptômes présentés non compatibles (diarrhée, palpitations) ou se limitant à un rash cutané isolé non sévère dans l’enfance ou l’adolescence, etc.
Des évictions ciblées
Si la suspicion d’allergie aux bêtalactamines se confirme, que prescrire en pratique ? Alors que l‘actualisation des recommandations de la Spilf est en cours, la Dr Chopin a évoqué quelques pistes.
Toutes les situations n’écartent pas forcément d’emblée la classe dans son ensemble. La stratégie dépend notamment de la stratification du risque mais aussi du risque de réaction croisée (lui-même fonction de la présence ou non d’une homologie structurale entre les molécules).
En cas de suspicion d’allergie immédiate grave aux pénicillines, toutes les pénicillines sont contre-indiquées mais les céphalosporines avec des chaînes différentes (céfazoline, C3G, C4G et C5G), l’aztréonam et les carbapénèmes restent utilisables.
En cas de suspicion d’allergie immédiate grave aux céphalosporines, celles n’ayant pas de similitude de chaînes avec la molécule incriminée restent utilisables. Les carbapénèmes, les pénicillines avec des chaînes différentes peuvent aussi être prescrits, de même que l’aztréonam (sauf allergie à la ceftazidime et au céfidérocol).
En revanche, toute suspicion d’allergie retardée grave (que ce soit aux pénicillines et/ou aux céphalosporines et/ou à l’aztréonam et/ou aux carbapénèmes) contre-indique l’utilisation de l’ensemble des bêtalactamines.
D’autres situations prêtent davantage à discussion avec, par exemple, l’absence de consensus quant à un éventuel délai qui pourrait permettre d’être plus souple en cas de suspicion ancienne de réaction non grave.
Article précédent
Santé des migrants : le contenu du bilan de santé des primo-arrivants se précise
Article suivant
SMS congrès JNI 2024
Les infections urinaires revisitées
Santé des migrants : le contenu du bilan de santé des primo-arrivants se précise
Allergies aux bêtalactamines, pas de loi du tout ou rien
SMS congrès JNI 2024
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce