Des équipes de secours dans les starting-blocks pour les JO

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Publié le 06/06/2024
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Les grands rassemblements peuvent entraîner des mouvements de foule, potentiellement meurtriers. Lorsque l’événement est programmé, comme c’est le cas des Jeux olympiques, une collaboration en amont entre organisateurs et équipes de secours est un élément essentiel à la prévention. Le congrès Urgences fait le point lors d’une session dédiée.

La présence d’un obstacle peut générer le mouvement de foule

La présence d’un obstacle peut générer le mouvement de foule

Tout rassemblement de personnes (pour un événement sportif, religieux, musical…) peut être à l’origine de mouvements de foule incontrôlables, entraînant une peur panique des participants, dans une fuite suite à un incendie, une explosion, un attentat, une rumeur… Des bousculades peuvent aussi se produire lorsque la foule en mouvement se retrouve soudainement face à un obstacle (porte fermée, passage étroit…) qui provoque un arrêt ou un goulot d’étranglement. De manière générale, la survenue d’un mouvement de foule et ses conséquences sont très difficilement prévisibles.

« Les sujets les plus fragiles, personnes âgées et enfants, comprimés par les autres personnes, sont les premières victimes. Le mécanisme physiopathologique essentiel est une asphyxie d’origine traumatique avec un écrasement de la partie supérieure du corps, conduisant à un arrêt respiratoire puis cardiaque, pouvant aller jusqu’au décès », explique le Pr Benoît Vivien (Samu 75, Necker-Enfants malades AP-HP).

Asphyxie mécanique très rapide

On peut distinguer plusieurs phases au cours d’un phénomène d’asphyxie mécanique qui dure, d’après les modèles expérimentaux, entre quatre et 11 minutes. La première, marquée par des troubles subjectifs divers (sensation de malaise, difficultés de coordination…), apparaît dès que la concentration en oxygène est inférieure à 60 %, ce qui survient en une à deux minutes. Elle s’accompagne d’une polypnée, d’une tachycardie et de sueurs profuses. Pendant la deuxième phase, la cyanose se majore, associée à une dyspnée plus importante, une bradycardie, un coma… L’asphyxie peut être fatale lorsque la concentration d’oxygène est inférieure à 8 % (1). « Des cas d’asphyxie positionnelle liée à une flexion cervicale antérieure forcée ou à une flexion forcée du torse sur une barrière peuvent aussi se produire », ajoute l’urgentiste. De même, un étouffement externe associé à une occlusion des voies respiratoires sus-épiglottiques peut aussi survenir par pression directe sur le cou lorsqu’il existe des différences de tailles ou de niveaux (gradins, escaliers…) entre les participants.

Des lésions traumatiques variées

Des lésions traumatiques variées, essentiellement fermées, peuvent aussi se présenter : fractures, luxations, contusions par écrasement contre un obstacle ou par piétinement. Certaines sont potentiellement mortelles – traumatisme crânien, fractures costales provoquant un hémothorax, un pneumothorax sous tension, ou encore contusion sévère de l’abdomen, à l’origine d’une rupture de viscères intra-abdominaux.

Il existe également un risque de décompensation de pathologies préexistantes, dans un contexte de stress et d’agitation.

À long terme, le risque de séquelles psychologiques est important chez les personnes victimes d’un mouvement de foule, et ce, indépendamment des lésions somatiques causées par cet événement.

« Un défi inédit  »

Les Samu sont sollicités en amont des manifestations d’ampleur : leur rôle consiste essentiellement en une mission d’expertise et en une anticipation de la survenue d’une situation sanitaire exceptionnelle (SSE).

Pour la préparation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, ce sont les recommandations du Samu-Urgences de France qui ont été utilisées pour le dispositif prévisionnel médical (DPM), avec une évaluation des risques en fonction de nombreux facteurs : densité du public, profil (supporters calmes, agités, alcoolisés), posture (assis, debout ou en zone d’attente), configuration des lieux (ouverts ou fermés), environnement et conditions climatiques, etc. Ainsi, une cartographie des risques par site de compétition olympique a pu être établie, tenant compte des spectateurs (jauge, activité), du sport (risque lié au sport), du site (délai de secours, accessibilité, complexité) et du niveau de médiatisation.

Les effectifs médicaux et infirmiers seront répartis selon notre cartographie des risques

Pr Benoît Vivien

Le calcul des effectifs médicaux et infirmiers est alors fait en fonction des niveaux de risque. « Par exemple, le risque quantifié pour le beach-volley au Trocadéro est plus faible que celui pour les épreuves équestres au château de Versailles, que ce soit pour le public ou les sportifs. La difficulté pour le Samu, c’est la simultanéité de tous les événements sportifs. Et il faut garder à l’esprit le risque d’une situation sanitaire exceptionnelle qui s’ajouterait à l’événement sportif : terrorisme, épidémie, canicule, inondation, cyberattaque, etc., prévient le Pr Vivien. Il ne faut pas se démunir en ressources, pour pouvoir rester présent pour tout type d’événement fortuit mais significatif. On retiendra quatre mots-clés : rigueur, anticipation, adaptabilité et flexibilité. Les JOP sont une étape, un défi inédit dans tous les domaines pour se préparer à tout autre type de crise future. »

(1) Mary O et al. Méd Cata-Urgences Coll 2023(4)7:257-62


Source : Le Quotidien du Médecin