Plaidoyer pour le repérage précoce en soins primaires

Publié le 27/03/2020
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L’Aquitaine s’est fortement impliquée en addictologie depuis une vingtaine d’années, ce qui a permis de former 15 000 personnels de santé aux RPIB (repérage précoce et interventions brèves). Même s’ils ne le pratiquent pas tous, environ 50 à 70 % des médecins traitants y ont été formés. Les Journées de la Société française d’alcoologie ont été l’occasion de revenir sur leur expérience et sur l’intérêt de cette approche en soins primaires.

« Les études menées notamment en Aquitaine auprès des généralistes montrent que parmi les addictions, l’alcool reste la plus difficile à aborder,son usage en tant que consommation festive étant socialement bien accepté mais l’alcoolisme stigmatisé », explique le Pr Philippe Castera, généraliste et addictologue à Bordeaux. « Les patients s’identifient très rarement comme ayant un problème avec l’alcool et les jeunes médecins craignent de se montrer intrusifs s’ils en interrogent la consommation. Pourtant, on sait que les patients en difficulté attendent que leur médecin leur en parle ».

Avec les nouveaux seuils de consommation sans risque désormais très bas (deux verres par jour et pas tous les jours), une personne sur quatre est susceptible d’un usage à risque, ce dont elle n’a pas toujours conscience.

Dans ce contexte, il faut d’une part changer la représentation des patients, souligne le Pr Castera (oui c’est le rôle du médecin de s’en préoccuper, oui il est compétent sur le sujet et oui il peut les aider sans les juger), mais aussi susciter la vigilance des médecins vis-à-vis d’un certain nombre d’indices et les inciter à aborder la question au moins une fois tous les deux ans. Il faut sortir de l’idée qu’accompagner son patient vers l’arrêt ou la réduction de l’alcool ou du tabac est extrêmement compliqué, alors qu’on a des solutions simples avec des outils qui permettent aux patients de faire leur chemin et aux professionnels de s’approprier le parcours.

Programme personnalisé À ce titre, le RPIB facilite le dialogue autour de l’alcool, et a fait la preuve de son efficacité dans plusieurs méta-analyses. Cette approche consiste à repérer une consommation problématique avec ou sans l’aide d’un questionnaire, puis à expliquer les risques et à proposer une aide grâce à des outils simples de médiation comme ceux dont on dispose pour le tabac, tel l'« éventail des aides ». Cet outil développé en Nouvelle-Aquitaine repose sur 4 familles de 4 cartes, grâce auxquelles le patient détermine qui est capable de l’aider parmi les professionnels de santé, les traitements, les autosupports et ce qu’il peut faire pour lui-même (relaxation, activité physique, etc.), ce qui lui permet de construire son programme personnalisé. « Le RPIB, le conseil à l’arrêt, l’entretien motivationnel, etc., devraient connaître un nouveau souffle pour favoriser le repérage et l’entrée dans le soin, espère le Pr Castera, à condition d’une meilleure organisation du système de santé. » Il est indispensable de mailler tout le territoire avec des soignants non addictologues mais suffisamment motivés et formés pour prendre en charge rapidement les cas les moins complexes et heureusement les plus fréquents. 


Source : Le Généraliste: 2905