Antalgiques : les fortes doses de paracétamol en question

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Publié le 21/03/2018
L’agence du médicament pointe une hausse des consommations de paracétamol en France, avec une poussée des fortes doses.
Paracétamol

Paracétamol
Crédit photo : ADAM GAULT/SPL/PHANIE

La France a-t-elle la main lourde sur le paracétamol ? Une étude de l’ANSM publiée dans The British Journal of Pharmacology pose la question. Ce travail décrit pour la première fois l’ensemble des consommations d’antalgiques dans l’hexagone, ainsi que leurs évolutions au cours de la dernière décennie, et les compare à celles de nos voisins européens. Pour cela, les auteurs ont passé au crible l’intégralité des chiffres de ventes de boîtes d’antalgiques rapportées à l’ANSM par les laboratoires entre 2006 et 2015. Tous les circuits commerciaux (OTC ou sur prescriptions, officine de ville ou pharmacie hospitalière) ont été pris en compte.

Avec 123 doses définies journalières (ou DDDs) délivrées pour 1 000 habitants en 2015 contre 133 en 2006, la consommation globale d’antalgiques a légèrement baissé en France (- 7 %).

Une forte poussée du paracétamol 1 g

En revanche, sur cette période, l’utilisation d’antalgiques non opioïdes s’est envolée, portée essentiellement par une hausse conséquente du paracétamol (progression de 53 % des DDDs en 10 ans).

À l’inverse, l’aspirine recule tandis que les consommations d’ibuprofène et autres AINS sont globalement stables.

Plus que l’augmentation du nombre de boîtes de paracétamol vendues, l’étude de l’ANSM pointe surtout une montée en puissance des fortes doses, avec un recours accru aux dosages à 1 gramme (+ 140 % en 10 ans) et un léger recul des formes 500 mg (- 20 %). « Cela pose un vrai problème en termes de gestion du risque : on constate qu’une grosse part de la population française est exposée à des doses importantes de paracétamol », explique Patrick Maison, directeur de la surveillance à l’ANSM et co-auteur de l’étude.

Dans la grande majorité des cas, « l’utilisation de paracétamol faisait suite à une prescription médicale », précise Philippe Cavalié (direction de la surveillance, ANSM) également signataire de l’étude. Ces évolutions témoignent sans doute en partie d’un report des prescriptions suite au retrait des spécialités à base de dextropropoxyphène en 2011. À l’époque, l’ANSM avait émis des recommandations prônant le remplacement de ces produits par du paracétamol pour les douleurs légères à modérées. Cependant, « la dose préconisée était de 500 à 1 000 mg, non d’un gramme d’emblée », rappelle Karima Hider-Mlynarz (direction de la surveillance, ANSM), premier auteur de l’étude. Par ailleurs, « alors que le retrait des spécialités à base de dextropropoxyphène a concerné l’ensemble des pays européens, tous n’ont pas connu le même engouement pour le paracétamol », nuance Patrick Maison. Selon l’ANSM, la France se place largement en tête des pays consommateurs. Cela suggère l’intervention d’autres facteurs comme « des stratégies marketing ou des habitudes différentes selon les pays ».

Même si la publication de l’ANSM ne porte pas sur cet aspect, la faible efficacité du paracétamol dans certaines indications (type lombalgie ou gonarthrose), pointée dans plusieurs études récentes, pourrait aussi expliquer la tendance inflationniste en matière de posologie.

Actuellement, « le paracétamol est la première cause médicamenteuse de greffe hépatique », insiste Patrick Maison, qui invite à « prendre l’habitude de prescrire du 500 mg plutôt que du 1 g. d’emblée ».


Source : lequotidiendumedecin.fr