Six mille ans avant JC, une statuette représente déjà un Égyptien muni d'un étui pénien contraceptif. Depuis toujours, la sexualité a été associée à un risque, celui de grossesse non désirée, puis de maladies vénériennes, avec en particulier la syphilis et la gonorrhée. Ce n’est qu’au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle qu’apparaissent des antibiotiques contre les infections sexuellement transmissibles (IST), suivis de contraceptions efficaces, puis de la légalisation de l’IVG et de la dépénalisation de l'homosexualité. « De 1970 à 1985, c’est la grande fête de la sexualité sans risque, vite balayée par l’apparition du VIH, que le corps médical et les autorités sanitaires prendront en compte avec retard, rappelle le Dr Gilbert Bou Jaoude, sexologue à Lille. Avec le virus, l'approche sanitaire et morale de la sexualité revient en force. Ce n’est qu’à la fin des années 1980, sous l’impulsion des associations gays et féministes, que s’organise enfin la prévention, avec une lutte contre les comportements à risque et la notion de rapports sexuels protégés. Cela aboutira, en 1987, à l’autorisation de la publicité pour les préservatifs comme principal moyen de prévention contre le VIH ».
Une image ambivalente
Dans un premier temps la peur du Sida a permis la diffusion du préservatif mais, avec l'amélioration des traitements et la banalisation de cette maladie mortelle devenue pathologie chronique, son utilisation diminue depuis les années 2000, jusqu’à un véritable abandon. Ce qui se traduit par une augmentation des IST : 6 400 nouvelles contaminations au VIH en 2017, 5 000 cas de syphilis alors qu’elle avait pratiquement disparu, 267 000 cas par an de Chlamydiae trachomatis, avec un nombre de lymphogranulomatoses multiplié par 7, 49 000 contaminations par le gonocoque soit une augmentation de 127 % depuis 2014, sans oublier le virus HPV etc.
Comment comprendre ce relâchement dans l’utilisation du préservatif dans une société de mieux en mieux informée ? « Le préservatif a toujours eu une image ambivalente, à la fois symbole d’une émancipation de la sexualité mais aussi dédaigné, car non glamour. Cela en fait la métaphore parfaite de la santé sexuelle, qui oscille entre plaisirs et contraintes », explique Gwenaël Domenech-Dorca, psychologue sexologue à Paris.
Des messages de prévention émoussés
Concernant le VIH, les traitements pré- et post-exposition sont très satisfaisants, et on a même pu, pour la première fois dire à des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), bien traitées avec une charge virale indétectable, qu’elles pouvaient avoir des relations sexuelles sans préservatif.
Parallèlement, les messages de prévention se sont émoussés. En commettant l'erreur de viser surtout le milieu gay, la stratégie a été à la fois stigmatisante pour cette population et non pertinente pour les autres, en particulier les plus jeunes et les seniors qui ne se sont pas sentis concernés. Et la médicalisation et la moralisation de la prévention ont amené certains à renier le safer sex, avec l'apparition de comportements tels que le serosorting (relations non protégées avec des partenaires de même statut sérologique) ou le bareback, choix délibéré et revendiqué de ne pas utiliser de préservatif lors des relations sexuelles.
Des résistances inquiétantes
On a aussi cru que le dépistage par autotest permettait à tout le monde de connaître sa sérologie. Or en France, 20 000 à 25 000 PVVIH traitées n’ont pas de charge virale indétectable, 30 000 ignorent leur positivité.
Par ailleurs, le préservatif reste le seul efficace vis-à-vis des autres IST, lesquelles deviennent de plus en plus souvent résistantes aux antibiotiques, comme le gonocoque et M. genitalium. « Nous devons réfléchir à une manière plus moderne de présenter le préservatif. Le remboursement en fait partie, en l’abordant comme complément des autres méthodes de prévention et sans entraver les plaisirs de la sexualité ni en juger les comportements » conclut le Dr Bou Jaoudé.
Table ronde organisée avec le soutien des Laboratoires Majorelle
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