LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir créé un groupe de travail microbiologie durable ?
Pr GÉRARD LINA : Au sein de notre société savante, nous étions plusieurs à nous interroger sur des actions autour de la microbiologie et la durabilité, à la fois pour la recherche et dans notre périmètre dans le soin. Nous avons d’abord mené une enquête nationale auprès des microbiologistes pour connaître leur degré de connaissance et d’acceptation. Environ 30 % des personnes contactées ont répondu et ce de manière très favorable. Nous avons donc créé un groupe de travail pour mener des actions mais aussi sensibiliser ceux qui ne le sont pas encore.
Quels sont les axes de travail ?
Nous informons l’ensemble de nos membres sur ce sujet. Nous avons notamment invité les Shifters Santé à notre congrès (du 7 au 9 octobre à Lille). Nous aurons aussi une session dédiée à cette thématique. Au congrès des Shifters en juin, une analyse du cycle de vie (ACV) des examens cytobactériologiques des urines (ECBU) a été présentée, il faut savoir analyser ces résultats et connaître les pistes potentielles pour diminuer les impacts. Nous prévoyons également des actions auprès des fabricants d’équipements. Nous collaborons ainsi avec le Sidiv (Syndicat de l’industrie du diagnostic in vitro, NDLR) afin de décarboner nos activités. Mais l’énorme enjeu est celui de la juste prescription de la biologie et de la microbiologie. C’est un sujet complexe, mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas s’y mettre. Nous devons avancer avec les équipes qui sont convaincues et embarquer les autres.
Vous travaillez sur ce sujet au sein des HCL, où en êtes-vous ?
Notre objectif est double : diminuer tous les prélèvements et tests inutiles, et il y en a beaucoup, mais aussi rappeler les tests qui seraient utiles et qui ne sont pas assez prescrits. Au sein des HCL, nous avons entamé un travail d’adaptation de la prescription aux attentes des prescripteurs et des réalisateurs des analyses. Nous nous interrogeons sur les besoins. Par exemple, faut-il à chaque fois prélever le sang dans un grand tube (standard) ou plutôt privilégier un microtube si le volume de sang prélevé suffit à la réalisation des analyses souhaitées ? A-t-on besoin de ce prélèvement ?
Il s’agit d’éviter un prélèvement qui ne va pas avoir de réel impact pour la prise en charge du patient, d’abord pour l’épargne sanguine mais aussi pour l’impact environnemental du tube. Certaines estimations réalisées par des entreprises travaillant sur la juste prescription des analyses biologiques citent environ 30 % de prélèvements en trop. Si ce chiffre est confirmé, cela se traduit en sang prélevé en trop, en temps infirmier, en dépenses d’énergie, en équivalent CO2, en coût pour les institutions… Par contre, je ne connais pas les estimations sur les analyses oubliées qui rentrent aussi dans le travail sur la juste prescription. Je ne pense pas que ce soit autant. Donc la juste prescription devrait permettre de réduire les volumes.
La juste prescription aura un impact majeur sur la RSE
Est-ce un travail spécifique au laboratoire ?
Au sein des HCL, la commission médicale d’établissement (CME) a créé un groupe de travail dirigé par une de mes collègues, la Pr Fitsum Guebre-Egziabher : Quasperfe pour « Qualité Sécurité Pertinence des Soins et Formation Continue et Évaluation ». L’ensemble des acteurs est autour de la table afin d’aider et d’optimiser les prescriptions en biologie, en imagerie… Par exemple pour la biologie, le catalogue compte 3 500 analyses différentes. Il est important d’accompagner le prescripteur et les préleveurs pour s’y retrouver. Aujourd’hui, c’est plutôt fait en aval au moment des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP). Nous voulons protocoliser en amont avec l’accord de l’ensemble des services. Ce travail sur la juste prescription concerne tout le monde.
De temps en temps, il y a des recommandations avec un nombre de tubes de sang prélevé qui n’est pas forcément adapté, ce qui est le plus souvent lié à la pratique. De même, il est rare que les personnes se contentent des recommandations de la Haute Autorité de santé. La juste prescription aura donc un impact majeur sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
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