Si la santé sexuelle masculine est parfois abordée sous le seul prisme des IST, l’andrologie et la médecine sexuelle connaissent depuis quelques années une diversification des motifs de consultation et de véritables avancées thérapeutiques.
Ainsi, en matière de sexualité, la libération de la parole des femmes semble contribuer à délier peu à peu les langues du côté des hommes. Tel est le constat dressé par Rosa Carballeda, médecin sexologue (Échirolles) et vice-présidente de l’AIUS (Association interdisciplinaire post-universitaire de sexologie). Et comme le souligne Étienne Cuénant (urologue à Sète), on note depuis plusieurs années « une légère libération des hommes pour exprimer des troubles de l’érection, quel que soit leur âge ». Un phénomène d’autant plus positif que les traitements de ce type d’affections ont beaucoup évolué ces dernières décennies. « Avec la prise en charge rapide des maladies cardiovasculaires, les injections intra-urétrales et intracaverneuses, et la révolution des iPDE5, la santé sexuelle des hommes semble meilleure qu’il y a 40 ans ».
Les hommes de plus en plus concernés par le contrôle de la fertilité
Cette évolution ne concerne pas seulement les troubles de l’érection. Selon l’andrologue et sexologue Carol Burté (Cannes), les hommes consultent également de plus en plus pour des symptômes liés à des troubles hormonaux. « Les patients commencent à être un peu mieux informés de l’existence de déficits en testostérone », constate-t-elle. De même, la prise en charge de cette andropause commence à être formalisée, des recommandations à ce sujet venant de paraître. Et ce, alors que jusqu’à présent, « même les endocrinologues, concentrés sur les hypogonadismes primaires, ne prenaient que peu en charge le déficit en testostérone », rappelle le Dr Burté.
Enfin, quelques hommes semblent commencer à se saisir de thématiques dont les femmes et les gynécologues ont été les premiers à s’emparer, telles que l’orthogénie. Car, d’après l’urologue Antoine Faix (Montpellier), si la contraception masculine peine à se développer au-delà du préservatif, de plus en plus d’hommes se tournent vers des méthodes de stérilisation telles que la vasectomie. À l’origine de cette tendance, la revendication d’un droit à maîtriser sa propre vie reproductive mais aussi la volonté de partager au sein du couple le fardeau du contrôle de la fertilité, estime le Dr Carballeda. De récentes évolutions de la législation (qui interdisait toute stérilisation avant 2001, rappelle le Dr Faix) auraient également amplifié le phénomène. Le Dr Cuénant remarque par ailleurs au sein de sa patientèle une concomitance entre la hausse des demandes de vasectomie et le retrait du dispositif de stérilisation féminine Essure.
Ces signaux positifs ne doivent pas masquer l’apparition de nouveaux phénomènes inquiétants. « Avec internet et la diffusion de la pornographie, même auprès d’adolescents, le culte de la virilité semble avoir été remplacé par un culte de la performance », souligne le Dr Faix. Un phénomène qui semble s’exprimer très manifestement en andrologie et médecine sexuelle, avec par exemple une multiplication des dysmorphophobies. « Clairement, de plus en plus d’hommes nous sollicitent devant des interrogations concernant les mensurations de leur verge », rapporte-t-il. Autre conséquence : l’augmentation du nombre de sollicitations pour des troubles du désir, notée en particulier par Rosa Carballeda. Des affections et préoccupations qui dénoteraient les souffrances de nombre de jeunes hommes.
Pour une réforme de l’andrologie
Face à ce malaise profond de toute une génération, bien des médecins semblent favorables à une réforme de l’andrologie, de la médecine sexuelle, voire même de l’éducation des garçons en matière de sexualité et de santé masculine. « Alors que la modernité complique la construction des adolescents, l’éducation à la sexualité au collège et au lycée demeure famélique, très centrée sur la prévention des IST, du VIH et de la grossesse, et pas assez sur la sexualité elle-même ainsi que sur le respect de l’autre », juge en effet Antoine Faix. L’urologue déplore par ailleurs le manque d’interlocuteurs bien identifiés auxquels tous les hommes pourraient s’adresser, de la même façon que les femmes peuvent recourir à un gynécologue. Dans le même esprit, le Dr Carballeda propose de revoir les objectifs, l’organisation et même le nom des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd) – trop centrés sur le VIH et les milieux LGBT – afin de rendre ces structures plus inclusives, à même d’accueillir des hommes de toutes les orientations sexuelles et de genre.
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