Polémique sur les dépassements d’honoraires

Une « dérive » qui accentue la pression sur les partenaires conventionnels

Publié le 20/05/2011
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Crédit photo : S TOUBON

COUP SUR COUP, les deux principaux « payeurs » des dépenses maladie viennent de s’alarmer du poids du secteur II et des dépassements tarifaires, stigmatisant les « dérives » en la matière. Il y a quelques jours le président de la Mutualité Française, Étienne Caniard, sonnait la charge en stigmatisant la flambée des dépassements en valeur et en volume (et en ciblant une nouvelle hausse de 6 % en 2010). Cette semaine, le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric van Rœkeghem, enfonçait le clou au marteau-pilon en soulignant la masse totale des dépassements (2,5 milliards d’euros en 2010 soit 12 % des honoraires), le poids prédominant du secteur II dans les nouvelles installations de spécialistes (87 % des nouveaux chirurgiens, 82 % des obstétriciens, 66 % des anesthésistes…), l’explosion du taux de dépassement facturé (25 % du tarif opposable en 1990 mais 54 % en 2010), les excès du secteur privé à l’hôpital public… Les deux responsables ont fait le lien entre le développement « excessif » du secteur II et le recul de l’accès aux soins.

Honoraires opposables et tarifs « réels ».

Le calendrier de ces interventions musclées, qui accréditent la thèse d’une chienlit tarifaire en expansion, ne relève pas du hasard. Ces propos interviennent en pleine reprise des négociations autour de la convention médicale dont un des enjeux est précisément l’élaboration d’un nouveau mécanisme de contrôle des dépassements. Des négociations qui, sur ce sujet, seront tripartites de bout en bout (syndicats de médecins, assurance-maladie et complémentaires santé représentés par l’UNOCAM).

Certes, les mises en garde sur l’anarchie tarifaire peuvent apporter de l’eau au moulin des avocats d’un encadrement strict du secteur à honoraires libres, voire de sa disparition programmée. Des élus locaux, des parlementaires, des associations d’usagers de santé, des confédérations de salariés plaident en ce sens. D’autant que ce n’est pas la première fois que l’assurance-maladie, les complémentaires et les médecins négocient sur ce sujet. En octobre 2009 déjà, un « protocole » sur le secteur optionnel (plafonnant et solvabilisant les dépassements dans les spécialités de bloc) avait été signé à l’arraché, le jour de la date butoir fixée par le Parlement. Mais depuis, cet accord est resté aux oubliettes. D’où l’avertissement du patron de la Sécu. « Cette fois, ce sera sans doute la dernière occasion de négocier… », avant des réformes plus autoritaires.

Mais les médecins ne sont pas seuls en cause. La croissance du reste à charge oblige le régime obligatoire et les complémentaires santé à balayer devant leur porte et à s’interroger sur la valeur des actes médicaux et leur solvabilisation par le remboursement. Car la dérive tarifaire identifiée par les payeurs met en lumière la déconnection croissante entre les tarifs « opposables » remboursés (parfois bloqués depuis 15 ans) et les honoraires « réels » que pratiquent de plus en plus de spécialistes pour répercuter le coût de leur pratique et la croissance des charges. Cet argument, avancé par les syndicats de spécialistes, n’est d’ailleurs pas rejeté par la CNAM. « L’assurance-maladie est prête à envisager de majorer certains tarifs qui seraient insuffisants », a déjà précisé Frédéric van Rœkeghem. Sous réserve d’un accord équitable. De leur côté, les mutuelles santé - comme les assureurs privés - ne cachent pas leurs ambitions élevées en matière de conventionnement et de contractualisation avec les offreurs de soins.

Chacun avance ses pions en cette période de pré-négociation. Seule certitude : il n’y aura pas d’accord possible (secteur optionnel ou autre) sans engagement fort des trois parties impliquées et contreparties réciproques. Entre la profession, la Sécurité sociale et les complémentaires santé, le marché de dupes semble, cette fois, impossible.

CYRILLE DUPUIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8967