Mort subite de l’adulte

Le premier centre d’expertise inauguré à Paris

Publié le 14/09/2011
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Crédit photo : S TOUBON

LA MORT SUBITE de l’adulte est à l’origine de 40 000 décès chaque année dans l’Hexagone. « C’est quatre fois plus que les accidents de la route, c’est plus que l’ensemble des décès par cancer de la prostate, du sein et du colon. Et pourtant on en parle très peu », constate le Pr Xavier Jouven, cardiologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Dans 90 % des cas, la mort subite a pour origine un trouble cardiovasculaire, principalement au décours (parfois immédiat) d’un infarctus du myocarde. Elle touche le plus souvent des sujets relativement jeunes (un tiers a moins de 55 ans) et dans plus d’un cas sur deux, les personnes ne se plaignent pas d’un quelconque problème cardiaque avant la survenue de l’accident. « Le plus souvent, ces patients n’atteignent pas l’hôpital vivants », souligne le Pr Jouven. Près de 85 % des décès sont extra-hospitaliers. Ils surviennent essentiellement au domicile, sur le lieu de travail ou dans la rue.

Responsable d’équipe mixte de recherche INSERM-Université Paris Descartes au Paris Centre de Recherche Cardiovasculaire (PARCC), le Pr Xavier Jouven pilote à l’HEGP le premier centre d’expertise au monde dédié à la mort subite de l’adulte. Inauguré à l’occasion de la journée mondiale des premiers secours du 10 septembre, le Centre d’expertise sur la mort subite (CEMS) est opérationnel depuis le mois de mai. Il est issu d’un partenariat entre l’AP-HP, l’INSERM et les universités (dont Paris-Descartes). « La création du CESM fait suite à 15 ans de travail de recherche à l’INSERM dans le domaine de la mort subite, en lien avec les pompiers, les SAMU et les services de réanimation », précise le Pr Jouven. « Petit à petit, on a commencé à travailler ensemble pour essayer de faire la photographie de ce qu’est la mort subite en France. On s’est aperçu qu’il y avait vraiment un besoin de coordonner l’action de tout le monde », poursuit-il. « Le CESM, c’est une structure ouverte avec une approche multidisciplinaire où l’on s’appuie sur les compétences de chacun », acteurs pré-hospitaliers, du soin, de la formation et de la recherche. « La porte d’entrée du CEMS est à l’hôpital Georges-Pompidou. La porte de sortie peut se situer dans divers hôpitaux en fonction du diagnostic. » Le centre s’articule en effet avec les différents centres de référence déjà existants en Île-de-France mais aussi dans le reste de l’Hexagone.

Piste génétique.

Au quotidien, le CEMS recueille en temps réel les cas d’arrêt cardiaque survenus en Ile-de-France grâce à une collaboration avec le SAMU et la Brigade des Sapeurs-pompiers de Paris*. Pour la seule région francilienne, 3 500 personnes sont concernées annuellement par la mort subite. Parmi elles, 450 sont prises en charge dans les services de réanimation et seulement 150 survivent. L’INSERM organise de son côté la récupération des données de réanimation pré-hospitalière, la mise en place du suivi des survivants dès leur arrivée en réanimation et le dépistage systématique des apparentés au 1er degré. Des consultations sont proposées à HEGP et des bilans peuvent être réalisés en hospitalisation de jour pour identifier précocement les sujets à risque. En fonction des maladies cardiaques sous jacentes identifiées, le patient survivant et les apparentés sont confiés au centre de référence correspondant.

Dans le domaine de la recherche, le centre mène plusieurs études épidémiologiques initiées depuis 2006. L’une intitulée enquête Prospective parisienne N° 3 porte sur 10 000 Parisiens suivis durant 25 ans. Elle permettra d’en savoir plus sur les facteurs de risque. Une collecte de sang a par ailleurs été réalisée chez 2 000 personnes décédées d’une mort subite afin d’effectuer une recherche d’éventuels facteurs de risque génétique dans le cadre de l’étude CARTAGENE (Cardiac Arrest and Genetic). « Tout ce qui fonctionnera au sein du CEMS a vocation à être diffusé sur l’ensemble du territoire », souligne le Pr Jouven. Réaliser des photographies régionales de la mort subite, proposer une prise en charge psychologique aux familles, dépister les familles à risque à travers certaines caractéristiques sont autant d’actions concrètes qui gagnent à être généralisées dans l’Hexagone pour améliorer la prise en charge de la mort subite. À noter qu’un deuxième Centre d’expertise devrait prochainement voir le jour à Lille.

* Une carte réalisée avec le SAMU et les Pompiers de Paris rend compte des cas de mort subite survenus au cours de l’année. Elle est consultable sur le site www. mort-subite.com.

 DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9003