Un médecin, une vie
LE PANTOUFLAGE n’est pas sa spécialité et c’est précisément au moment où il aurait pu se laisser enfin un peu aller qu’il décide de prendre son envol. Chef du département urologie de l’hôpital Saint-Louis jusqu’en 2007, Pierre Teillac ne va pas faire les choses à moitié. « On a inventé ensemble la logique hôpital santé territoire avant l’heure », se souvient Jean-Patrick Lajonchère, aujourd’hui directeur de l’hôpital parisien Saint-Joseph. Il confie avoir particulièrement apprécié « la confiance indispensable » de ce président du comité consultatif médical, côtoyé à l’hôpital Saint-Louis dans le cadre de ses précédentes fonctions. Il garde le souvenir d’un homme « consensuel et déterminé qui s’est aussi révélé visionnaire » Expliquant volontiers le plaisir qu’il a eu de « partager un peu la direction de l’hôpital avec lui », tous deux animés d’une même volonté de faire avancer les choses. « Nous définissions d’un commun accord le mode d’intervention pour manœuvrer et faire aboutir ensemble nos projets » au sein d’une institution hospitalière qui cultivait sa réputation administrative.
Franchir le pas.
C’est précisément ce poids de l’inertie qui a donné à Pierre Teillac l’envie de changer de vie. En 2007, il annonce à son successeur sa prise de fonctions avant l’heure, démissionne de l’AP-HP et entre chez Pierre Fabre, dont il préside aujourd’hui l’institut de recherche à Toulouse. « J’ai tranché », dit-il, soulignant « avoir refait sa vie d’une manière très chirurgicale ». Une bonne dizaine d’années auparavant, il avait fait la connaissance de Pierre Fabre, lui confiant son envie d’entreprendre. Dès 1998, Pierre Teillac s’offre un galop d’essai en créant Urogène. Philippe Berthon, qui était dans son service, le suivra dans cette aventure. Admiratif de sa capacité à se remettre en question, Philippe Berthon insiste sur « sa fidélité sans faille dans ses engagements en toutes circonstances » et sur sa disponibilité, y compris lorsque les responsabilités s’empilent. Cela semble dans sa nature. « Franchir le pas, entreprendre, c’est une prise de risques bien réelle. Au départ, je reconnais avoir souvent eu les mains moites et les surrénales en raisins de Corinthe. » Rien ne le fera reculer et il n’hésitera pas un instant à s’investir ensuite dans d’autres sociétés, comme Vaxon-Biotech, qui développe un vaccin contre le cancer.
Ses publications et sa motivation permanente pour passer à l’étape suivante vont l’emmener un petit peu plus loin que prévu. Le Pr Alain Le Duc, dont il a pris la succession à Saint-Louis, parle encore aujourd’hui avec une affection très particulière « du plus brillant de ses élèves ». Celui qu’il reconnaît volontiers turbulent et castagneur, commence à s’épanouir lorsque ça chahute. « Pierre est un très bon barreur, surtout lorsqu’il y a force 8. » L’ancien chef de service se souvient de son raisonnement toujours juste, de son bon sens et de « son aventurisme, capable de l’idée originale qui va tout remettre en cause ». Et pour résumer cette collaboration de 20 ans, il souligne « son étonnante capacité d’entreprendre avec ce qu’il faut de culot pour y aller ».
Culte familial du travail.
Lui connaissant « cette recherche inépuisable d’efficacité immédiate », le Pr Le Duc admet que Pierre Teillac ait pu tourner le dos prématurément à la fonction publique, où l’exécution de décisions prises peut prendre parfois des années. Des délais « purement et simplement insupportables ». Une obstination de l’efficience, cultivée en famille. Fils cadet du physicien Jean Teillac, qui a longtemps dirigé le CEA, Pierre Teillac se souvient de son éducation fondée sur l’exemplarité. Notamment à travers le modèle de « cette grande sœur brillante » devenue Catherine Brechignac, ancienne présidente du CNRS, aujourd’hui ambassadrice déléguée à la science, la technologie et l’innovation. Elle, reconnaît en lui « celui qui s’engage, le fonceur un peu kamikaze toujours à tenter quelque chose dans un domaine où on ne l’attend pas ». Lui, garde de sa petite enfance, l’image « d’un père fanatique du travail », y compris à la maison, ce qui n’a, semble-t-il, pas toujours été facile à suivre. Cela laisse des traces et Pierre Teillac regrette aujourd’hui finalement de n’avoir rien partagé d’autre avec lui. Un manque comblé aux côtés de ses 6 enfants : garçons et filles en alternance, comme si chez Pierre Teillac l’organisation ne connaissait pas de limite.
À l’adolescence, il avoue être un peu entré en résistance et devient moniteur de ski. Lui, l’élève moyen qui obtient son bac de justesse ne correspond pas aux attentes parentales orientées vers la préparation aux grandes écoles. Pour suivre les copains et peut-être aussi pour se rapprocher de sa mère, professeur de physiologie, il s’inscrit en médecine en 1970. Sans s’avouer de réelle vocation au départ, il estime même avoir « échappé de peu au numerus clausus, qui lui aurait laissé bien peu de chances aujourd’hui » Pourtant, il accède à son rêve, devient chirurgien et gravit aussi vite qu’il est possible de le faire toutes les étapes, d’assistant, professeur, chef de département, au sein d’un système hospitalier qu’il rêve de réorganiser et qui, très vite, lui semble trop étroit. Jeune assistant, il part faire des démonstrations opératoires dans les hôpitaux universitaires d’Athènes, facilite l’accueil d’étudiants grecs dans les hôpitaux parisiens. Des contacts qui lui vaudront la distinction de docteur honoris causa de cette faculté de médecine. Un côté globe-trotter qu’il va copieusement développer, au sein de l’association européenne d’urologie dont il deviendra secrétaire général en 2004.
L’uro avant l’euro.
Remarqué à partir de 1989 au niveau international, devenant entre autres, rédacteur en chef de « Progrès en urologie » Pierre Teillac se distingue en fusionnant les deux revues existantes dans la spécialité et rapproche par la même occasion les grandes équipes françaises d’urologie, qui présentent désormais leurs travaux côte à côte. Il va s’en servir pour faire l’Europe de l’urologie. À l’entendre on pourrait presque comprendre que l’uro, s’est faite avant l’euro. Il a beaucoup œuvré pour l’intégration d’urologues d’Europe de l’Est, associant des membres roumains dynamiques qu’il a beaucoup fait travailler au niveau du bureau. Une ouverture qui lui vaut aujourd’hui d’être commandeur dans l’ordre du service loyal de la Roumanie. Presque gêné, il explique que cela correspond grosso modo à la Légion d’honneur roumaine, qu’il porte avec fierté lorsqu’il y retourne.
Homme de consensus, Pierre Teillac est un rassembleur et cette association regroupe désormais 42 pays. Mais en 2007 il estime que l’Europe de l’urologie est faite, et ressent de nouveau ce besoin de s’accomplir autrement. Il considère aujourd’hui que la mise en œuvre de l’ARIIS, qui réunit à la fois les entreprises du médicament, celles du diagnostic, des dispositifs médicaux et de la médecine vétérinaire devient son nouveau métier. Un immense chantier avec une foule de gens à mettre d’accord pour bâtir cette fédération de toutes les industries de santé. Une fonction taillée sur mesure pour un homme pressé de réussir qui s’engage sans limites et accepte de tout remettre en cause pour rapprocher et fédérer les hommes comme les organisations.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie