Dr Édith Gatbois, cheffe du pôle mère-enfant de l’HAD à l’AP-HP

« L'hypnose, un outil supplémentaire pour soulager la douleur »

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Publié le 26/11/2021
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La Dr Édith Gatbois, pédiatre, est cheffe du pôle mère-enfant de l’hospitalisation à domicile (HAD) de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et présidente du Comité de lutte contre la douleur (CLUD). Depuis plusieurs années déjà, les équipes se forment à l’hypnose pour soulager la douleur.
Dr Edith Gatbois

Dr Edith Gatbois
Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Pourquoi vous êtes-vous formée à l’hypnose ?


Dr ÉDITH GATBOIS : Lors de mon clinicat de 2000 à 2004, j’ai été confrontée à des situations de phobie du soin, chez des enfants atteints de cancers et de leucémie qui devaient avoir des ponctions lombaires ou des myélogrammes régulièrement. Malgré notre stratégie d’escalade thérapeutique, rien ne semblait les soulager. Ce constat d’impuissance m’a amenée à suivre en 2003 un diplôme universitaire d’hypnose médicale (celui du Dr Jean-Marc Benhaiem), puis un complément de formation en 2004 en hypno-analgésie à l’Institut français d’hypnose. Plus récemment, je me suis formée aux techniques d’activation de conscience (TAC) enseignées au sein du Collège international des thérapies par activation de la conscience (Citac) par les Drs Jean Becchio et Sylvain Pourchet.

Lors de votre arrivée au sein de l’hospitalisation à domicile (HAD) en 2007, l’équipe était-elle sensibilisée à ces approches ?

La demande est venue des puéricultrices qui étaient déjà engagées dans une réflexion sur la prise en charge de la douleur et cherchaient des réponses autres que médicamenteuses pour des enfants souffrant d’une phobie du soin. Nous avons pu former l’ensemble de l’équipe à l’accompagnement en hypno-analgésie en pédiatrie, avec l’association Sparadrap bien connue dans la douleur de l’enfant. Puis nous avons élargi nos formations, notamment aux TAC (enseignées par l’équipe du Citac), et les avons proposées à l’ensemble de nos soignants, qu’ils exercent auprès des enfants, des femmes enceintes, des adultes ou des personnes âgées. La fondation Apicil nous a aidés à financer en partie ces formations au début  ; elles sont aujourd’hui prises en charge par notre institution.

Nous organisons quatre sessions de trois jours par an pour apprendre à nos professionnels ces techniques immédiatement opérationnelles. On forme entre 60 et 80 professionnels de l’HAD par an. Notre objectif est de former l’ensemble des équipes, soit 75 puéricultrices, 16 sages-femmes et 300 infirmiers et aides-soignants pour les adultes.

Quel est l’intérêt de ces techniques, en particulier à domicile ?

En pédiatrie, on peut les utiliser en prévention pour apaiser la douleur provoquée par les soins - un impératif, lorsque les enfants souffrent de pathologies chroniques qui requièrent la venue très régulière d’équipes à domicile. On peut aussi s’en servir pour traiter les symptômes pénibles de certaines pathologies ou traitements comme des chimiothérapies lourdes. Nous avons par exemple donné des outils à un adolescent traité pour leucémie, souffrant de migraine, pour qu’il puisse de lui-même éviter l’arrivée d’une crise. L’avantage de ces techniques, surtout en HAD, consiste à autonomiser les patients, parents comme enfants.

Chez les adultes, l’hypnose est très utilisée dans les soins palliatifs, pour atténuer une gêne respiratoire, la douleur, l’inconfort, les angoisses, le stress, le sommeil. On peut aussi encourager les parents à stimuler une perception agréable (balancement, chant, peau à peau…) auprès de leur nouveau-né pour détourner, voire court-circuiter le message de la douleur. Derrière les termes d’hypno-analgésie, de sophrologie, de méditation en pleine conscience, de distraction chez l’enfant, existe un même principe : mobiliser les ressources du patient pour qu’il gère lui-même son problème. On présente ces techniques comme une invitation, une porte de sortie à la douleur, un jeu pour les enfants, qu’ils sont libres d’accepter ou de refuser.

Il n’existe pas de contre-indication si ces techniques de communication sont utilisées par des professionnels formés et dans leur champ de compétence : c’est un outil de plus pour les soignants pour améliorer le confort du patient, en aucun cas un outil de pouvoir.

Propos recueillis par Coline Garré
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Source : Le Quotidien du médecin